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Souvenirs henri

7 octobre 2016

La reprise de Midi Ingénierie

Je ne suis pas sûr de la date exacte mais je pense que c'était au cours du mois de février 2007 que j'ai appris le décès de Jaques Fères , le P DG de Midi Ingénierie .

J'avais peu de rapport avec lui à cette époque mais il se trouve que l'un de nos actionnaires , le fond d'investissement toulousain IRDI , venait d'entrer au capital de sa société quelques mois auparavant .

Renaud du Lac le président de l'IRDI m'annonça aussitôt la triste nouvelle .

Jacques Féres avait tout juste 56 ans .

Il était entré en clinique pour se faire placer un stent cardiaque car depuis quelques semaines il se sentait légèrement essoufflé .

Il avait demandé au chirurgien de l'opérer un vendredi car il avait l'intention de reprendre ses activités dès le lundi suivant .

Malheureusement , le stent ne s'est pas ouvert , ce qui lui a bouché une artère et il est mort sur la table d'opération .

Renaud du Lac était très inquiet pour l'avenir de Midi ingénierie car il était convaincu comme tous ceux qui connaissaient cette société qu'elle aurait beaucoup de mal à survivre sans son P DG.

Aucun des membres de son staff ne possédait ses compétences indispensables au sein d'une petite société qui conçoit des produits de haute technologie .

Il était le seul à maîtriser à la fois le commercial , le marketing et la stratégie.

En résumé c'était un homme irremplaçable .

 

Renaud du Lac pressentait une autre difficulté liée à la personnalité d' Yvette Féres , l'épouse de Jacques .

De formation administrative et sans compétences techniques, elle devenait la principale actionnaire et l'avenir de la société dépendrait maintenant de ses décisions .

Elle était comme on l'imagine totalement déprimée ne sachant comment résoudre ses énormes problèmes .

Devait-elle conserver en l'état la société et embaucher un ou probablement plusieurs directeurs salariés pour remplacer Jacques .

Ou bien devait-elle la vendre .

Mais dans ce cas , quel serait le sort de tous ses collaborateurs qui avaient participé à la réussite de leur société .

Yvette Féres était la Directrice administrative de la société mais elle s'estimait incapable de prendre la suite de son époux .

Elle désirait vendre mais elle aurait voulu conserver son poste en qualité de salariée et pérenniser avec ses modestes moyens l’œuvre de son mari.

Dans l'hypothèse d'une cession , elle craignait que les futurs propriétaires l'oblige à quitter la société ou ne lui laissent qu'un poste subalterne.

Elle cherchait un repreneur en qui elle aurait totalement confiance et qui la ferait participer à la stratégie de l'entreprise .

Mais elle ne savait à qui s'adresser et j'ai cru comprendre que , comme toujours dans ce genre de circonstances , les vautours rodaient, attirés par l'opportunité d'une belle opération financière et lui proposaient de reprendre la société pour un prix dérisoire .

 

Je connaissais Jacques depuis 1981 .

Nous avions été embauchés ensemble cette année là chez MATRA espace par Bernard Plano qui était alors le directeur des moyens sols développés pour l'intégration et la simulation des satellites et des lanceurs Ariane .

Je venais de quitter AIRBUS pour devenir le responsable du département maintenance de ces moyens sols .

Jacques venais de quitter INTERELEC ou il avait participé à la mise au point du métro de Mexico  pour le poste de responsable projet des bancs ARIANE .

 

Quelques années plus tard , il avait rejoint mon département pour créer le service études électroniques mais , je l'ai déjà raconté il avait démissionné de MATRA assez rapidement et , avec mon responsable Informatique , Olivier Chéssé il avait créé en 1985 la société Midi Ingénierie .

Jacques m'avait demandé à l'époque de participer au capital de sa toute nouvelle société , ce qui lui avait permis de gagner la confiance des banquiers car cela paraissait étrange de quitter MATRA pour une PME sans clients ni produits .

Je l'avais aussi aidé en utilisant un de ses informaticiens en assistance technique pendant quelques mois ce qui avait constituait une des premières commandes commerciales de Midi Ingéniérie.

Lorsque sa société était devenue rentable j'avais revendu mes parts car je ne voulais pas par éthique être actionnaire d'un de mes sous-traitants .

J'aurais pu en fait demeurer actionnaire car au bout de quelques mois , il avait décidé de changer de stratégie et ne plus travailler avec MATRA .

Il ne voulait pas que MIDI Ingénierie devienne une société de services , trop peu rentable à ses yeux.

Plutôt que travailler sur les projets de ses clients, il préférait bâtir une société qui développerait ses propres produits électroniques de haute technicité .

Il avait commencé par étudier la faisabilité d'un système de développement de photos argentiques entièrement automatisé .

Il n'y avait pas encore d'appareils de photos numériques et encore moins de téléphones portables .

Les développements de pellicules chez les photographes professionnels coûtaient très chers .

Je crois me souvenir qu'il a eu quelques déboires pour réaliser son système en particulier il m'avait expliqué que son partenaire qui apportait quelques idées sur les spécifications du système avait voulu le gruger , notamment lors des dépôts de brevets .

Mais connaissant Jacques et sa fermeté lorsqu'il s'agissait de problèmes d'argent ,je n'étais pas très inquiet . Il a su rebondir sans y laisser des plumes .

C'était un manager assez atypique .

Je me souviens que lorsqu'il était responsable des bancs ARIANE chez MATRA , il avait été le seul à utiliser des très petites sociétés de sous-traitance , presque des artisans .

Il était très dur en affaire , serrait énormément les coûts de développement ce qui lui avait permis de terminer son projet avec des marges financières importantes .

Les équipements qu'il avait fait réalisé fonctionnaient correctement mais ressemblaient plutôt à des avants projets universitaires qu'à des produits industriels .

J'ai d'ailleurs eu quelques soucis lorsque j'ai dû les récupérer en maintenance

Certains sous-traitants ne voulaient plus travailler pour nous . D'autres avaient disparus . D'autres encore avaient déposé leur bilan .

C'est à cause ou plutôt grâce à ses méthodes que j'ai dû remplacer ses équipements peu fiables par des produits à base de PC ,  ce qui m'a permis de développer quelques années plus tard le département études microsystèmes chez MATRA .

Mais ce que je dois surtout à Jacques Fères c'est qu'en quittant une carrière sûre chez MATRA pour créer sa propre entreprise, il m'a donné l'envie de prendre moi aussi plus de risque et de tenter une nouvelle aventure professionnelle .

 

Il était , je crois , originaire de l'Aveyron et certains le trouvaient un petit peu rat.

Je me souviens d'une histoire qui circulait à l'époque à propos de la chaudière de sa villa .

Dès leur embauche chez MATRA , la plus part de mes collègues démarrèrent la construction de leur résidence principale .

A la cafétéria , les conversations tournaient souvent autour des choix des matériaux , des appareillages , ou des méthodes en matière de construction .

En bon ingénieur , toujours en compétition , chacun présentait ses solutions comme étant les meilleures .

Je me souviens que Jacques nous avait tous étonné par son choix en ce qui concerne son système de chauffage .

Alors que tous débattaient des avantages et des inconvénients respectifs du chauffage au gaz , du chauffage au mazout , du chauffage au bois ou du chauffage électrique , lui nous avait expliqué qu'il avait choisi celui qu'il trouvait de très loin le plus économique , le chauffage au foin .

Pour alimenter sa chaudière , il avait fait installer une grosse meule de foin de plus de trois mètre de haut dans son jardin comme celle que l'on voyait prés des fermes de mon enfance .

Cela nous avait beaucoup amusé .

 

Je connaissais très peu , Yvette Féres .

A l'époque de Matra , elle et son mari ne fréquentaient guère les autres ingénieurs en dehors du travail.

Nous non plus d'ailleurs car nous habitions Pibrac près d'AIRBUS , à l'ouest de Toulouse alors que les cadres de MATRA résidaient essentiellement à l'est , prés de Labège et de Balma, du coté du CNES .

Je me souviens seulement de l'avoir côtoyée lors d'un voyage organisé par le comité d'entreprise de MATRA en Union Soviétique , plus particulièrement en Ouzbékistan et aussi une autre fois alors que nous étions en transit à Malte .

Nous avions sympathisé sans plus durant le voyage mais ni moi , ni Marie-Claire n'avaient revue Yvette .

J'avais toujours eu des rapports assez chaleureux avec Jacques , tout d'abord chez MATRA en tant que collègue puis lorsque je l'avais recruté dans mon service et lorsque j'étais devenu actionnaire de Midi ingénierie .

Enfin plus récemment , nous nous étions rapprochés professionnellement depuis que je dirigeais comme lui une PME .

Mais nous avions des méthodes de management très différentes qui alimentaient nos discussions lorsque l'on se rencontrait .

Alors que je recherchais à m'associer avec le plus grand nombre de collaborateurs souvent beaucoup plus compétant que moi , que j'étais en recherche permanente de solution de croissance , lui m'expliquait qu'il voulait toujours tout maîtriser et donc rester au commande d'une société plus petite mais beaucoup plus rentable .

Il privilégiait la croissance du résultat à celle du chiffres d'affaires et c'est pour cette raison qu'il ne voulait pas que MIDI Ingénierie se transforme en société de services .

Je pense que Jacques avait dû parler souvent de moi à son épouse car lorsque je lui ai proposé de me rencontrer , elle a tout de suite été d'accord .

Dès notre premier contact , le courant est bien passé entre nous .

Elle m'expliqua très franchement ses craintes et ses ambitions pour elle même et pour le devenir de sa société .

Tout d'abord , elle estimait qu'il fallait impérativement qu'elle reste dans la société et à un poste ou elle pourrait à la fois aider le futur manager et influer sur sa stratégie pour perpétuer l’œuvre de son mari .

Il fallait en outre qu'elle ait un peu plus de temps libre pour s'occuper de son fils qui était sur le point de passer le bac .

Il était lui aussi très perturbé . Fils unique , il devait normalement après des études d'ingénieurs intégrer la société de son père mais , avec le décès de celui-ci , tout s'écroulait .

Yvette craignait aussi de voir partir ses principaux cadres .

Elle se demandait comment elle pourrait régler les innombrables problèmes qui étaient le lot quotidien de son mari .

Quels nouveaux produits développer , pour quels clients et avec quelles technologies .

Comment trancher entre les solutions techniques proposées par ses ingénieurs .

Comment rassurer ses principaux clients .

Bizarrement , il n'y avait aucune demande particulière sur le prix du rachat de la société .

En fait , j'ai compris rapidement qu'elle voulait nous céder la totalité de ses actions et comme l' IRDI venait de racheter 20% de celles ci , quelques mois auparavant , le prix était évident pour chacun d'entre nous .

La société était très rentable et possédait une forte trésorerie qu'elle espérait récupérer .

 

Une autre de ses inquiétudes concernait l'organisation future de MIDI ingénierie .

Elle ne voulait pas que sa société soit transformée et devienne le département d'une société beaucoup trop importante , ce qui pourrait effrayer ses clients et son personnel .

Elle ne voulait pas non plus que la stratégie de la société évolue dans un sens contraire aux volontés de son mari , que Midi Ingéniérie devienne une société de services et que les ingénieurs qui avaient contribué à la réussite de la société soient envoyés en contrat d'assistances techniques chez nos donneurs d'ordres .

C'est d'ailleurs pour cette raison , qu'elle avait refusé une offre financière beaucoup plus importante que la nôtre de la part d'un leader de l'assistance technique .

 

Je la rassurais en lui faisant les propositions suivantes :

MIDI Ingénierie deviendrait filiale à 100 % d'ISIS MPP avec le même statut qu' ADAS  ce qui ne changerait en rien son fonctionnement et ne devrait pas inquiéter les clients .

Le conseil d'administration d'ISIS innovation me nommerait Président de MIDI ingénierie .

Pour régler les problèmes techniques , j'utiliserai les compétences des équipes de Michel Hollinger en concertation avec les cadres techniques de MIDI ingénierie .

Pour accroître la société, on pourrait aussi proposer les technologies développées par les équipes techniques de Midi Ingéniérie à nos clients de la Défense du Spatial et de l'Aéronautique.

Yvette resterait responsable administrative sous le contrôle de notre holding pilotée par ma DAF Micheline Fontaine .

Sur sa demande , j'ai augmenté son salaire qui ne correspondait plus à son nouveau poste et lui permis de ne pas travailler le mercredi pour s'occuper de son fils .

Le dernier point qui lui tenait à cœur concernait le poste commercial .

Je lui proposais dans un premier temps de muter un commercial d'ISIS pour régler les affaires urgentes et ensuite d'en embaucher un plus adapté à ce poste .

 

Elle accepta toutes mes propositions .

Mon conseil d'administration et mes cadres aussi .

Il y avait urgence .

La transaction se passa très rapidement à la satisfaction générale.

 

Il fallait maintenant faire redémarrer la société .

Et premièrement comprendre le fonctionnement interne de celle-ci .

Les techniques utilisées , les produits , les attentes des clients et des salariés .

Et bien sûr démontrer à tous que nous étions à la hauteur de la situation .

Pas facile de remplacer un manager irremplaçable .

 

Tout d'abord comprendre le métier et les techniques utilisées .

 

Depuis sa création en 1985 , Midi ingénierie avait accumulé plus de 20 années d'expériences

dans la commande des moteurs pas à pas.

Elle était également devenue comme nous, une société d'études, de conseils et d'industrialisation en électronique et informatique .

Mais, à la différence d'ISIS et comme ADAS , elle s'était rapidement orientée vers le développement de nombreux produits standards qu'elle proposait en tant qu' OEM aux sociétés intégrateurs de systèmes .

Elle commercialisait des cartes électroniques de contrôle de moteurs pas à pas , à courant continu, et brushless, des axes numériques brushless fort couple totalement intégrés , des cartes d'entrées /sorties aux normes VME, des outils CAO destinés à la conception d'ASIC'S analogiques.

Midi ingénierie intervenait en tant que prestataire de services complets de la spécification jusqu'à la production en série d'équipements électroniques , mécatroniques et informatiques .

Elle concevait aussi des ASIC'S numériques, analogiques et mixtes.

Elle proposait aussi des activités de transfert de technologies à partir des brevets Midi ingénierie sur les applications de ses clients.

Chaque année 25 % du CA était réinvesti dans la recherche et l'amélioration de nouvelles technologies , nerf de la guerre de cette course au développement dans un monde très compétitifs.

Jacques Féres avait l'habitude de dire qu'il fallait au minimum 5 ans pour qu'un produit parvienne à maturité et rapporte enfin financièrement et que la carrière d'un nouveau système de motorisation ne débutait que trois ans après avoir déposé le brevet .

En conclusion , un métier fort différent du nôtre .

Heureusement , les compétences techniques spécifiques de Midi ingénierie étaient toujours présentes à l'intérieur de la société avec quelques ingénieurs de très haut niveau et un volume de brevets déposés conséquent .

Le bilan annuel de Midi Ingénierie était assez proche de celui d'ADAS .

Son chiffre d'affaires était de 2.7 M€ , nettement inférieur à celui d'Isis mais la vente de produits propres représentait environ 80% de celui-ci .

Ce qui lui assurait un ratio Résultat net/ CA pratiquement double de celui d'ISIS .

Comme ADAS et comme ISIS à mon arrivée la société était installée dans une petite villa .

Le personnel comprenait 17 personnes dont 10 cadres techniques , 1 dessinateur, 1 technicien de test et 1 câbleur .

La partie administrative était gérée par Yvette Fères et deux secrétaires.

La société avait selon la stratégie de Jacques Fères peu de clients  : INFACO, le CERN, le CNES , le CEA, EADS, GEMPLUS, ASTOM .

 

Dès mon arrivée et comme lors de l'acquisition d'ADAS , pour ne pas perturber les clients et le personnel et pour rester fidèle à mes engagements au près d'Yvette Fères, je n'ai pas changé l'organisation globale de l'entreprise .

Le personnel est resté dans ses locaux .

Yvette Fères a été nommée responsable de l'établissement et a continué à gérer la partie administrative de Midi ingénierie mais sous le contrôle de Micheline Fontaine qui consolidait les données commerciales et financières au niveau du groupe.

Les choix techniques étaient toujours proposés par les quatre chefs de projets de Midi ingénierie mais approuvé par Michel Hollinger et moi-même.

Pour la partie commerciale, je proposais à Paul Bénibre de prendre en charge le service mais dans un premier temps je décidais de rencontrer directement les principaux clients accompagné d' Yvette .

Et notamment le plus important de tous, Mr Delmas le P DG de la société INFACO .

Cette société était le principal client et surtout le plus rentable.

Elle produisait des sécateurs électriques utilisés par des vendangeurs .

Chaque fois que j'ai présenté par la suite ce client et cette activité, mes interlocuteurs ne pouvaient s’empêcher de sourire .

Qu'allait donc faire ISIS MPP , le spécialistes des systèmes de test dans les domaines Aéronautiques, Spatial, Ferroviaire ou Défense dans l'Agro-alimentaire et dans la vigne ?

Je répondais que je continuais à concevoir des produits de très haute technologie .

En effet, le développement des sécateurs électriques utilisés pour la taille la vigne nécessite de fortes compétences en matière de commande-contrôle des moteurs qui ont fait de MIDI Ingéniérie un acteur important de cette technologie .

INFACO , une PME située à Gaillac dans le Tarn est aujourd'hui leader mondial sur ce marché et commercialise ses produits en France, aux USA, en Australie, et jusqu'en Chine.

 

Au départ tout est parti d'une intuition de Mr Delmas, un autodidacte qui exploitait je crois une station service à Cahuzac sur Vère près de Gaillac.

Il avait comme clients de nombreux propriétaires de vignobles qui se plaignaient de la fatigue engendrée par l'utilisation intensive des sécateurs mécaniques lors des vendanges .

Pour faciliter le travail des vendangeurs, il imagina de remplacer les sécateurs mécaniques par des sécateurs électriques et de remplacer l'effort manuel par une simple impulsion sur un bouton électrique.

Très rapidement, il s’aperçut que le point délicat de son projet résidait dans le contrôle du moteur électrique .

Il fit appel à Midi ingénierie pour réaliser la partie électrique du sécateur et notamment le point délicat, la commande de l'axe .

Midi ingéniérie développa une solution originale et Jacques verrouilla le processus par un certain nombre de brevets.

INFACO vendit ses sécateurs aux producteurs de vins de Gaillac puis par la suite aux viticulteurs Bordelais et au monde entier.

Mr Delmas était lui aussi très inquiet quant à la survie de Midi Ingénierie suite au décès de Jacques Fères.

Il avait toujours eu des rapports très chaleureux avec lui .

Le sécateur électrique était l'affaire de sa vie et il craignait que l'arrivée d'ISIS MPP modifie fortement les rapports entre les deux sociétés et nuise aux évolutions des futurs produits .

Il avait toujours voulu rester maître de ses choix technologiques, et n'avait utilisé comme sous-traitants que des sociétés de taille inférieure à la sienne.

Je pense aussi qu'étant autodidacte, il se méfiait de la suffisance des ingénieurs diplômés.

J'imagine que mon comportement modeste à son égard , mon accent toulousain et la recommandation d'Yvette l'ont rapidement convaincu qu'il n'y aurait pas de problèmes pour la poursuite de nos affaires communes .

Quelques années plus tard je constate que Midi Ingénierie fonctionne toujours aussi bien , que sa rentabilité s'est même améliorée , que le personnel est toujours en place et que les clients sont satisfaits .

J'aime à penser avec une certaine fierté que j'ai tenu les engagements que j'avais pris au près d'Yvette .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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6 mars 2016

Mes échecs

En relisant mes notes , je m'aperçois que chaque fois que j'ai présenté nos opérations de croissance externe , que ce soit à propos d'acquisition de sociétés , de reprise de fonds de commerce par négociation directe ou après autorisation des tribunaux de commerce , je n'ai cité que mes réussites .

Comme s'il suffisait que je m’intéresse à une société pour que son dirigeant décide sur le champ de se retirer des affaires ou de m'accompagner pour participer à la croissance de ma société .

En fait , la plus part du temps , mes tentatives d'acquisition se sont soldées par des échecs .

La principale raison résultait du fait que la plus part des managers ne désiraient pas fusionner leur entreprise avec la nôtre car ils ne voulaient pas partager le pouvoir .

D'autres désiraient céder leurs entreprises mais étaient tétanisés à l'idée qu'un concurrent réel ou en devenir puisse jeter un œil sur leurs affaires .

D'autres avaient peu confiance en la réussite du projet et trouvaient le risque trop important.

D'autres auraient été d'accord à la condition de conserver la majorité à l'intérieur du nouveau groupe et demeurer maître de la stratégie .

D'autres ne voulaient surtout pas grossir car ils craignaient de ne pas être à la hauteur des futurs enjeux .

La plus part étaient fiers de leur parcours et n'avaient pas envie de se remettre en questions .

Certains enfin pensaient céder l'entreprise à leurs héritiers dès que cela serait possible .

Mais le principal obstacle était surtout d'ordre financier en particulier lorsqu'il fallait préciser la valorisation de nos sociétés respectives .

 

Je présente donc ici quelques uns de mes échecs avec cette liste non exhaustive des sociétés avec les quelles nous sommes entrées en négociations .

Normalement, le but avoué de ces négociations consistait à parvenir à un accord commercial avec cette société ou à en faire l'acquisition .

Avec parfois des retournements de situation, la proie devenant le chasseur et trouvant notre société attractive on nous proposait tout simplement de la racheter .

 

Je me souviens de la société GATE située à Istanbul, qui développait comme ISIS , des bancs de test de cartes électroniques . J'avais rencontré sa Présidente avec Alain Thibaud .

Nous avions l'intention de créer ensemble une filiale commune en Turquie pour aider l'armée à maintenir des équipement THALES .

Mais je me souviens qu'elle était très jeune et très belle avec un teint d'une blancheur incroyable pour une Turque . Elle était probablement d'origine circassienne .

Comme elle était aussi très riche et qu'elle avait été nommée à son poste par son père , j'avais imaginé qu'elle était la descendante d'un Sultan et d'une belle esclave européenne enfermée dans le sérail de Topkapi . L'affaire n'a jamais abouti .

 

Dans un tout autre contexte , j'ai rencontré Bernard Riondet le Président de Greenfield Technologie .

J'avais très envie de m'associer avec cette très petite société sous traitante du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA .

Greenfield Technologie développait des systèmes d'acquisition électronique .

Des sortes d'oscilloscopes sans écran de visualisation qui enregistraient des impulsions électromagnétiques avec une résolution inférieure à la picoseconde .

Ils étaient installés dans des puits sous la mer lors des essais nucléaires dans le pacifique .

C'était une société très particulière qui ne comprenait que trois ingénieurs très compétents et tous retraités .

L'affaire ne s'est pas faîte car ils demandaient trop cher .

Je pense que le prix était correct , la société était hyper rentable mais nous n'avions pas les moyens de notre ambition .

 

A propos de ces sociétés très rentables qui opéraient dans le milieu de la Défense nucléaire , je me souviens particulièrement d'une autre société qui s'appelait ELCA pour Électronique du Capitole .

Je n'ai jamais eu de contact professionnel avec cette société mais j'avais croisé son P DG lorsque j'étais enseignant chercheur au LAAS .

Je me souviens d'un homme assez corpulent , la tête rasé qui venait voir le professeur Lagasse dans une magnifique chevrolet décapotable en fumant des énormes cigares .

Quelques années plus tard , j'ai à nouveau entendu parler de cette société lorsque Jacques Chirac a décidé d'arrêter les essais nucléaires dans le pacifique.

Du jour au lendemain , ELCA n'eut plus aucune commande et au lieu de chercher d'autres activités son P DG décida de procéder à sa liquidation .

Il a donc immédiatement licencié tout son personnel dont certains membres auraient du travailler encore plus de dix ans avant de pouvoir exercer leur plein droit à la retraite .

Mais comme cette société avait été durant plus de trente ans hyper rentable , le P DG a décidé de verser à chaque employé une prime de licenciement équivalente à ce qu'il aurait touché s'il avait continué à travailler jusqu'à la retraite y compris les charges salariales .

En conséquence tous les membres du personnel de cette société sont devenus rentiers .

Elle est pas belle la vie ?

 

J'ai aussi , un moment , était intéressé par une association avec le groupe BTS Industrie que je connaissais depuis mes années Matra .

Il regroupait trois sociétés spécialisées en mécanique , en câblage électrique et en dessins industriels.

Ce groupe s'était installé à Toulouse , en provenance de Velizy lorsque Matra espace avait décentralisé son activité intégration des contrôles-commandes des lanceurs ARIANE .

C'est ce groupe qui avait embauché les câbleurs d'ISIS lors du plan social de 1992 .

Depuis , il avait été repris par un jeune ingénieur que j'avais connu lorsque je travaillais chez Matra , Christian Bec.

J'aimais bien Christian et j'imaginais que la complémentarité entre nos différentes compétences serait une force si nous unissions nos deux groupes .

En particulier, l'addition d'une compétence mécanique à nos équipes électroniques et informatiques , nous permettrait de développer des équipements complets.

On avait déjà réalisé ensemble un très gros projet électro-mécanique chez EADS pour le missile stratégique M51 .

Mais BTS était très endettée et mon conseil d'administration et notamment les représentants de l'IRDI votèrent contre ce rapprochement .

Cependant , quelques années plus tard , alors que j'avais vendu mes parts , j'ai pu aider le groupe Eurilogic à réaliser ce deal mais à un prix supérieur car entre temps BTS avait réduit considérablement son endettement .

 

Avant de m'associer avec ADAS, j'avais aussi approché LORIN , une société qui développait et commercialisait des équipements électroniques et maintenait des appareillages sur le Monge , un navire de la Défense navale bourré de systèmes très complexes .

Elle possédait deux établissements à Toussus le Noble dans la région parisienne et à Aubagne près de Marseille .

J'avais préféré ADAS à l'époque parce qu'elle était beaucoup plus rentable mais j'ai appris quelques années plus tard que cette société avait rejoint également notre groupe après mon départ.

 

Toujours dans la recherche d'opportunités de croissance , nous avions aussi tenté des rapprochements avec des sociétés étrangères .

 

Je me souviens entre autres de la société canadienne Technology Harness Scanner qui commercialisait des testeurs de câblage concurrent du banc de sonnage de l'A380 développé par les équipes de Mohamed El Ouardi .

Ce rapprochement entre nos deux sociétés m'avait été proposé par Charles Dieudé un ancien collègue de l'Aérospatiale qui travaillait à l'ambassade de France à Montréal .

On n'a pas pu conclure le deal mais j'ai appris récemment que la société avait elle aussi rejoint notre groupe .

 

J'avais aussi tenté un rapprochement avec une société allemande , TECHSAT qui développait des produits concurrents de nos bancs BIS .

Cette société a aussi été rachetée un peu plus tard par le groupe Nexeya , mais après mon départ .

 

Pour rentabiliser notre agence de Nantes j'avais contacté la société Tunisienne FUBA près de Bizerte , une société de production de cartes électroniques ainsi que la société Fideltronik à Krakov en Pologne qui exerçait une activité similaire , mais dans les deux cas nous ne nous sommes pas entendus .

 

Toujours pour Nantes , Denis Stevant m'avait proposé de créer une filiale commune avec la société Intersystèmes . J'ai à plusieurs reprises rencontrer Stéphane Léssale , le P DG mais là aussi sans succès .

J'ai appris récemment que, suite aux problèmes liés au Printemps arabe , les dirigeants d'Eurilogic avaient décidé de supprimer toutes les activités exports de l'agence de Nantes.

 

Mais parmi toutes mes échecs , celui que j'ai le plus regretté concerne la société ERCOM .

Créée en 1986 par Jean Lacroix, Ercom développait des technologies de pointe dans le domaine de l’optimisation et de la sécurisation des réseaux de télécommunications. L’entreprise proposait une offre de services mais surtout des produits concernant :

La simulation avec la vente de produits et de services, principalement pour les équipementiers des grands opérateurs de téléphonie mobile, destinés à tester l’infrastructure des réseaux dans le cadre d’une évolution technologique 2G,3G.

La cryptologie avec la commercialisation de produits et de solutions pour sécuriser les flux de données, voix et datas sur les différents supports et sur les réseaux fixes, 2G, 3G.

La défense avec la mise à disposition de matériels de communication spécifiques pour sécuriser les infrastructures .

Si nous nous étions associés avec ERCOM , nous aurions pu , comme avec ADAS en électronique , modifier le business modèle informatique d'ISIS qui serait passé du statut de société de services à celui  , beaucoup plus profitable , d'éditeurs de logiciels .


Mais manifestement cette société n'était pas dans nos moyens et pendant que je négociais petits bras, on leur fit une proposition qui je crois était dix fois supérieure à la notre .

Un dernier souvenir. Lorsque nous étions en négociation avec ERCOM , j'ai rencontré un des actionnaires assez surprenant .

Il s'agissait d'un dominicain qui représentait les intérêt financiers de l'abbaye de Saint Wandrille en Normandie.

Cette très ancienne abbaye avait été envahie par les vikings et avait subit de nombreux dégâts pendant la Révolution et la seconde guerre mondiale .

Elle était devenue aujourd'hui une abbaye imposante et assez traditionnelle .

Elle produisait du miel et des liqueurs . On pouvait y faire retraite ou assister à des concerts liturgiques .

Mais à ma grande surprise elle était aussi actionnaire de quelques sociétés industrielles dont ERCOM qui travaillait pour la Défense nationale et la ministère de l'intérieur .







26 février 2016

ADAS

 

Au cours de l'année 2005 , nous nous étions surtout occupé de nos agences de Bordeaux et de Nantes dont les marchés avaient été déstabilisés par la mondialisation et le passage au 35 heures .

 

En 2006 , nous avons repris la stratégie que j'avais mise en œuvre depuis mon arrivée chez Isis agissant à la fois sur la croissance interne et sur la croissance externe.

 

Par croissance interne je veux dire que le développement des affaires s'effectue en utilisant les moyens propres à l'entreprise . Ses compétences techniques, sa force commerciale , sa notoriété auprès de ses clients.

Notre activité consistait à rechercher des prospects que l'on pourrait aider en participant à la réalisation d'une partie de leurs projets.

Les commerciaux, parcouraient la France à la recherche de projets à développer .

Les équipes techniques proposaient des solutions à base de cartes électroniques et de logiciels .

Mais quand un projet était terminé , il fallait tout de suite en chercher un autre .

C'est le lot quotidien des sociétés de services en ingénierie informatique car les logiciels développés pour un projet appartiennent au client .

Nous appliquions chez ISIS la même stratégie en ce qui concerne les équipements électroniques .

 

J'enviais les sociétés qui développaient des produits sur leurs fonds propres car elles pouvaient amortir leurs frais d'études sur plusieurs affaires et améliorer ainsi leurs marges .

Mais, cela impliquait des modifications importantes dans notre organisation et je savais que cela ne se ferait pas sans risque .

Je me souvenais que Didier Bernadet avait eu énormément de déboires lorsqu'il avait démarré la production des balises Argos.

En essayant de transformer Ceis espace qui était jusqu'alors une société de services en société de production il avait dû considérablement s'endetter ce qui l'avait acculé à la liquidation de son groupe.

 

Pour ma part , comme je n'avais pas d'expérience dans le management de ce type de société , j'ai employé la méthode qui m'avait réussi jusqu'à présent : la croissance externe .

La méthode est simple à formaliser mais souvent délicate à mettre en œuvre.

Il faut, tout d'abord rechercher une société qui possède le savoir faire que nous n'avons pas et qui opère sur des marchés distincts du nôtre .

Il faut en faire l'acquisition et ainsi augmenter à la fois notre chiffre d'affaires , notre notoriété et notre rentabilité.

 

Comme j'avais informé Bruno Langlois de mon intention d'acquérir une société spécialisée dans la conception et la commercialisation de produits , il me proposa de rencontrer Daniel Pimont , le P DG de la société ADAS électronique.

Je crois me souvenir que Daniel Pimont l'avait créé en 1982 suite à l'externalisation d'une filiale Européenne d'une société américaine .

J'avais été en contact avec cette filiale lorsque je travaillais à l'Aérospatiale sur les bancs ATEC .

ADAS électronique était spécialisée dans la conception , le développement et l'industrialisation de systèmes d'acquisitions digitales et analogiques pour des systèmes informatiques orientés temps réel .

Mais contrairement à ISIS tous ses développements étaient réalisés sur ses fonds propres .

 

Elle avait des clients dans toute l'Europe parmi lesquels on trouvait des industriels de la Défense , de l'Aéronautique , des télécoms ainsi que des sociétés de services informatiques et des PME intégrateurs de systèmes avec en particulier notre principal concurrent, le groupe EURILOGIC .

ISIS MPP n'avait jamais acheté des produits ADAS car avec Michel Hollinger nous avions toujours voulu nous démarquer de nos concurrents en développant nos propres cartes .

 

Je rencontrais pour la première fois Daniel Pimont , avec Bruno dans les locaux d'ADAS à Fontenay le Fleury près de Versailles.

Tout de suite je fus surpris par la différence de culture entre ADAS et ISIS.

 

La société était de petite taille et organisée dans une villa , façon open space .

Les 16 membres du personnel technique et administratif , pour la plus part d'origine asiatique étaient positionnés côte à côte dans un vaste atelier .

Daniel Pimont et le directeur technique avaient installés leurs bureaux dans la même salle, probablement pour les surveiller à la manière des instituteurs de mon enfance.

On n'entendait pas un bruit . L'ambiance était assez froide . Cela me rappelait les ateliers de câblage que j'avais vu en Chine.

Seule la directrice administrative avait un bureau séparé qui était aussi utilisé pour les réunions confidentielles.

Je n'ai pas eu de contact direct avec le personnel .

 

Mais , avec un peu de recul , on constatait que la société était bien gérée .

Son chiffre d'affaires annuel était de 3 M€ et elle avait réalisée un résultat après impôts de 400 K€ , ce qui était très correct.

Elle n'était pas endettée et disposait d'un cash important.

Daniel Pimont qui était aussi le responsable commercial se révéla être une personne très compétente et très sympathique .

La première question qui m'est venue à l'esprit était la suivante : Pour quelle raison voulait-il céder sa société ?

Il m'a expliqué assez rapidement qu'il se rapprochait de la retraite et que son fils qu'il avait eu avec sa secrétaire devenue son épouse était trop jeune pour reprendre la société.

Ils étaient tous les deux plus passionnés par le golf que par le développement de leur société.

En fait , ce qu'il désirait c'était vendre ADAS et rester au commande en qualité de DG salarié pendant quelques années.

Il voulait de plus que je ne change pas la localisation de l'entreprise et que je garde la totalité du personnel à son poste y compris son épouse .

J'acceptais toutes ses conditions et je lui proposais en suite le deal suivant :

ADAS deviendrait filiale d'ISIS MPP , je serai nommé du Conseil d'administration d'ADAS

et lui deviendrait Directeur Général et conserverait pratiquement les mêmes pouvoirs .

Il accepta assez rapidement ma proposition puis vinrent les négociations financières .

Nous lui avons fait la proposition de le payer moitié en cash et moitié en action de notre holding mais après quelques contacts entre nos avocats respectifs il préféra un paiement totalement en cash.

J'avais conscience de prendre un gros risque en lui payant la totalité de la vente car avec son directeur technique ils étaient réellement les deux hommes clés de la société.

Leurs départs auraient été problématiques mais j'ai eu confiance en lui et en ma bonne étoile.

 

Daniel Pimont , son épouse et son directeur technique devinrent du jour au lendemain salariés du groupe ISIS sans modifier leurs manière de gérer l'entreprise et sans que  ni Bruno, ni Micheline , ni moi même ne leur fassent un seul reproche sur leur comportement et leur éthique.

 

Pour terminer avec ADAS , comme elle était maintenant filiale du groupe à 100% , on a pu grâce à l'intégration fiscale , améliorer notre rentabilité , ce qui a profité au personnel d'ISIS MPP par le biais du plan d'intéressement aux bénéfices.

 

J'ai aussi demandé à Michel Hollinger de se coordonner avec Daniel Pimont pour voir comment ce dernier pourrait commercialiser les cartes développées par les équipes de Toulouse . Mais cela n'a pas très bien fonctionné à cause de quelques problèmes d'ego .

 

 

A cette même époque j'ai eu à régler un petit problème entre quelques uns de mes cadres.

Au démarrage du projet de l'Airbus A380 , j'ai expliqué plus haut que pour améliorer la communication qui commençait à se dégrader entre mes équipes informatiques Toulousaines et les cadres d'Airbus chargés du développement des bancs BIS , j'avais embauché Michel Dochy.

Au bout de quelques temps la communication s'est nettement améliorée et Michel Hollinger et Sylviane Pibrac m'ont expliqué qu'ils n'avaient plus besoin des services de Michel Dochy.

Je me suis souvenu qu'avant de venir chez nous , il avait été responsable d'une petite équipe d'informaticiens et comme Jack Swift cherchait un commercial pour le seconder à Cannes j'ai proposé le poste à Michel Dochy qui l'a accepté.

Mais je me suis aperçu rapidement que les activités de Cannes n'étaient pas assez importantes pour justifier deux cadres et comme on dit en Afrique , on ne peut pas mettre deux crocodiles dans le même marigot.

J'avais évité des conflits à Toulouse mais j'en avais créé à Cannes .

 

J'ai finalement proposé à Michel Dochy de revenir à Toulouse pour diriger une filiale de services informatiques qui gérerait les personnels d'ISIS en sous charge .

Il accepta le deal et on créa ainsi la société ISIS ingénierie qui a vivoté jusqu'en 2009 , date de mon départ en retraite.

 

 

 

 

18 février 2016

Le LMJ , Tunis , Taïwan

Après 13 ans à la tête d'Isis, je mesurais avec une certaine fierté, le chemin parcouru.

Alors que le chiffre d'affaires 1992 , ramené en euros approchait 2.5 M€ , il dépassait 27 M€ en 2005. 

Le résultat après impôts était passé de 100 K€ à 1.6 M€ , malgré 3 périodes délicates, le plan social de 1992, la reprise de MPP en 1997 et le démarrage des activités Airbus en 2004, .

Isis Mpp était maintenant située parmi les leaders sur ses marchés . Ses clients étaient fidèles .

 

Comme les activités de Massy et de Toulouse me demandaient peu d'efforts de management,

J'ai pu consacrer la plus grosse partie de mon temps à chercher des solutions pour améliorer la rentabilité des petites agences .

 

Jusqu'à présent à Brest , les anciennes équipes de CS défense de Michel Le Goff développaient les programmes de test de cartes dans notre agence et sur nos propres testeurs .

Mais avec l'utilisation des PC dans le monde industriel, les principaux clients de l'agence, la Direction des constructions navales et Thomson , préférèrent utiliser nos experts directement dans leurs locaux .

L'agence dut s'adapter à cette nouvelle donne et devint de fait une société de services .

 

Jack Swift , procéda de même avec les anciennes équipes de SR2I qu'il détachait chez Alcatel Espace et chez quelques clients de la région Cannoise.

 

Arnaud Pozzobon avait lui , dès le début, développé l'agence de Bordeaux comme une société de services , notamment chez Thomson  mais cette année là, est apparue une nouvelle opportunité .

Alain Juppé , le maire de Bordeaux avait obtenu que le Commissariat à l'énergie atomique installe sur son site aquitain du Cesta le futur laser mégajoule.

Ce programme faisait suite à l’arrêt des essais nucléaires dans le pacifique décidé par Jacques Chirac.

Les tirs réels effectués jusqu'à présent sur l'atoll de Mururoa seraient dorénavant remplacés par des simulations en France.

Le programme simulation visait à fournir les outils nécessaires à la maîtrise des différents domaines de fonctionnement d'une charge nucléaire .

Il comprenait un volet physique de base , un volet simulation purement numérique sur de très gros ordinateurs et un volet validation expérimentale avec notamment la construction du Laser mégajoule.

Je ne vais pas expliquer ici ce qu'est le LMJ .

Il faut juste savoir que cet énorme appareil doit permettre d'obtenir sur terre une fusion thermonucléaire comparable à celles qui interviennent à l'intérieur de notre soleil.

Pour cela , il faut porter, grâce au Laser Mégajoule, un mélange de deutérium et de tritium à une densité de 100 g/ cm3 et à une température de 50 millions de degrés Celsius.

Le LMJ est constitué d'une chaîne de 240 faisceaux lasers installés à l'intérieur d'un bâtiment équivalent au hall d'assemblage des Airbus A380 .

Tous ces rayons lasers sont amplifiés , filtrés puis concentrés sur une très petite cible de la taille d'une orange dans laquelle se trouvent les fameux noyaux de deutérium et de tritium.

 

Le projet devait donner du travail dans la région pendant plus de trente ans avec des retombées industrielles dans de nombreux domaines.

On commençait à appeler la région autour du Cesta , la route des lasers.

 

Il n'y avait aucun spécialiste de cette technologie chez Isis mais j'imaginais que pour pénétrer ce marché on trouverait assez facilement une petite équipe qui accepterait de s'associer avec nous , comme on l'avait déjà fait par le passé .

Dans tous les cas j'estimais qu'il ne fallait pas passer à côté de cette opportunité .

 

 

Un autre effort important cette année là , fut porté sur l'agence de Nantes , l'ancienne société Technitest qui était dirigée par Denis Stevant.

Pour me rendre à l'agence je prenais un vol direct Toulouse Nantes .

Là , Denis venait me chercher à l'aéroport , on traversait la Loire et après quelques embouteillages sur le périphérique , on arrivait à l'agence à la Chapelle sur Erdre .

J'ai toujours eu de très bon rapport avec Denis et avec son personnel qui était très compétent et très sympathique.

Denis était un breton convaincu, ses enfants étaient scolarisés dans des écoles Diwan et il concluait toujours ses mails par quelques phrases en breton auxquelles je ne comprenait strictement rien .

Celà mettait de l'animation dans nos réunions lorsqu'il s'exprimait en breton avec Michel Le Goff et que Jean Canavy lui répondait en occitan.

A midi , nous allions régulièrement dans un très bon restaurant au bord de l'Erdre où l'on dégustait des huîtres et des bars arrosés d'un Menetout Salon , le vin blanc préféré des bretons que j'avais appris à apprécier avec Michel Le Goff à Brest et avec Yannick Le Corre

lorsqu'il était P DG de Technicatome .

 

Je ne connaissais pas bien les métiers de cette agence qui étaient assez éloignés de mes compétences.

Les techniciens développaient des programmes de test non pas pour les bureaux d'études de l'aéronautique et de la Défense comme le reste des employés d'Isis mais pour de petites sociétés qui produisaient des cartes électroniques en très fortes quantité dans les secteurs de l'automobile et des télécommunications .

Ces sociétés employaient des ouvriers peu qualifiés qui faisaient tourner de grosses chaînes de productions avec de nombreux automatismes .

Il y avait des robots d'insertion de composants , des automates de soudage , des

outillages de vernissage des cartes électroniques et en bout de chaîne les testeurs généralement d'origine américaine qui utilisaient les programmes développés par nos ingénieurs .

Nous développions ces programmes dans notre agence sur des testeurs de même type.

Pour que tout fonctionne correctement, il devait y avoir des contacts étroits et fréquents entre les responsables de production des clients et nos propres équipes ce qui nous obligeait à travailler à proximité de leurs usines.

Jusqu'à présent , l'agence n'avait pas eu de problèmes de charges car la région de Nantes était constellée d'une multitude de petites sociétés de production de cartes électroniques.

Mais en 2005, la mondialisation des marchés amplifiée par le passage aux 35 heures avaient laminé ces petites entreprises .

L'agence de Nantes avaient vu ses clients soit déposer leur bilan, soit externaliser leurs sites de production vers l'Asie et les pays du Magreb.

Il n'était plus question de faire de la sous-traitance de proximité à partir de Nantes .

Pour maintenir nos parts de marché, nous avons décidé d'implanter nous aussi une agence en Tunisie ce qui m'a amené à faire quelques voyages dans la région mais aussi quelques excursions touristiques à Carthage, et sur les plages près de Tunis.

J'ai bien aimé, l'ambiance de l'époque et l'amabilité et la compétence des Tunisiens.

Je me souviens d'un soir où l'on avait été invité avec Bruno Langlois par le ministre du développement industriel et sa jeune épouse.

Moi qui m'étais imaginé que mes interlocuteurs ressembleraient plutôt à des bédouins, j'ai été fort surpris de rencontrer de vrais européens ayant fait leurs études en suisse , passant leurs vacances dans les alpes ou en Floride, et mieux informé que moi sur les actualités de la vie culturelle parisienne .

 

J'ai un souvenir particulier de cette soirée .

Le ministre nous avait invité dans un restaurant très chic dont la propriétaire était sa propre femme.

Et c'est au cours du repas que Marie-Claire m'a appelé sur mon portable pour m'annoncer que Stéphanie venait de mettre au monde mon premier petit fils Mattéo.

 

Après quelques voyages , on a fini par créer une petite société qui développeraient des programmes pour les sociétés de production de cartes électroniques implantées dans tout le Maghreb.

Dans ce but, nous nous sommes associés avec un industriel Tunisien qui gérait la société et embauchait le personnel . Nous fournissions les testeurs , le développement commercial et la formation du personnel .

Cette société a bien fonctionné et a été assez rentable jusqu'au printemps Arabe . Elle a depuis été liquidé par mes successeurs .

 

L'autre problème dû à la mondialisation, résulte du fait que les sociétés de production de cartes électroniques implantées en Asie ont progressivement remplacé les testeurs américains par des testeurs Taïwanais moins chers et ont commencé à attaquer le marché Européen.

 

Pour conserver et développer notre activité Nantaise, Denis Stevant me suggérera d'entrer en contact avec la société Taïwanaise qui fabriquait ces nouveaux testeurs et de leur proposer d'être leur représentant en Europe.

 

Je suis donc parti à Taïpé rencontrer le dirigeant de cette société dont j'ai oublié le nom.

J'étais accompagné de Jim Matthew qui était à la fois commercial, technique spécialiste du test de cartes et surtout mon interprète .

Il avait beau parler un anglais des plus correct, mal grès son accent écossais, il avait parfois autant de difficultés que moi à comprendre les chinois.

C'était la troisième fois que je voyageais en Asie .

La première fois au Vietnam lors de ma formation CPA et la seconde fois en Thaïlande avec Marie-Claire.

Là , c'était différent, j'étais reçu en tant que Président d'une société européenne par le P DG d'une société Chinoise.

Tout le monde me saluait respectueusement, à l'asiatique en tenant les cartes de visites à deux mains.

Et bien sûr, j'ai eu droit au traditionnel toast asiatique avec des « kampé » au saké .

Il fallait que je porte un toast avec chacun de mes nombreux convives en terminant chaque fois mon verre.

J'ai terminé la soirée comme il se doit en allant me coucher très éméché. Jim lui aussi n'était pas très frais .

Le lendemain  après la visite de l'usine et la signature du contrat , nous avons arpenté la vieille ville avec ses bruits , ses odeurs et dégusté quelques plats exotiques sans oser toucher aux spécialités du coin telles que les serpents, les scorpions et autres scarabées.

On a aussi visité le magnifique musée archéologique de Taïpé qui contient des œuvres exportés de la Chine continentale à l'époque de l'exil de Tchang Kaï Tchek .

J'ai d'ailleurs ramené de cette exposition une belle copie d'un vase de l'époque Ming que nous avons toujours dans notre salon.

 

 

 

28 janvier 2016

Concurrence sur le marché Défense

Cette année là, j'avais trouvé dans la presse spécialisée un article qui indiquait qu'en 2004 , le marché mondial de l'électronique s'était élevé à 1000 Md€.

Sur ce même article , l'électronique professionnelle mondiale représentait 424 Md€.

L'électronique professionnelle c'était exactement le marché d'ISIS puisqu'il comprenait les infrastructures des Télécommunications, la Défense, l'Aéronautique , le Spatial et l'électronique industrielle.

Je m'étais amusé à comparer ce marché à mon chiffre d'affaires qui était de 25 M€ .

Donc notre activité représentait environ 6 / 10000 du marché mondial.

Il y avait de la marge de progression . On peut toujours rêver.

 

 

En juillet 2005 , le secteur Nord d'ISIS Ingénierie était en forte croissance avec un chiffre d'affaires en augmentation de plus de 27% .

Par contre le secteur Sud accusait une baisse de 6% dont la principale cause était due au ralentissement des études sur l'A380 .

On attendait le démarrage du nouvel Airbus pour la Défense, l'A400M qui devait remplacer les Transals mais il n'était pas encore dans les tuyaux.

Il fallait se recentrer sur d'autres affaires du marché de la Défense.

Sur ce marché, nous remportions de beaux succès avec les anciennes équipes de CS Défense , de Thomson et de Selisa mais notre département Toulousain avait probablement la grosse tête après sa superbe victoire sur le projet A380 .

Les clients nous trouvaient bons mais trop chers.

Nous parvenions à gagner quelques affaires face à des grands groupes industriels comme Thales, Matra  ou EADS mais nous avions des difficultés avec l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché .

En particulier le groupe Eurilogic de Jean Yves Rivière et Philippe Gautier que nous avions rencontré lors de la reprise de CS télécom et lors de l'appel d'offres des bancs BIS de l'A380 . C'est eux qui avait tenté de nous acheter récemment .

Eurilogic possédait maintenant une forte expertise sur les marchés de la Défense suite au rachat de la société Sodima dans la région parisienne et Sodatec près d'Angouleme qui était depuis longtemps le principal sous-traitant du département électronique de la DCN, la direction de la Construction navale , le constructeur des sous-marins et des navires de surface. Pour la Défense Nationale.

 

Le département de Michel Hollinger perdit cette année là de nombreux contrats .

Je me souviens entre autres des bancs de test des têtes nucléaires pour le CEA CESTA , d'un banc de charge de batteries pour EADS , d'un automate de sécurité câblé pour l'île longue et du commande contrôle du pilote Petawatt , affaires gagnées pour la plus part par le groupe Eurilogic.

 

Il fallait gagner impérativement de nouvelles affaires .

Aussi j'ai été très intéressé lorsque Georges Escola m'informa que de très gros projets étaient en préparation concernant le développement du nouveau missile stratégique M51 .

Ce missile est le vecteur principal de la force de dissuasion Française. Il est lancé à partir d'un sous marin nucléaire lance engins .

C'est un bijou de technologie avec deux structures très complexes . Le lanceur développé par EADS et le tube lance missile développé par la DCN .

La première difficulté du projet consiste à éjecter un missile de la taille d'une fusée Ariane , sous l'eau , à partir d'un sous-marin.

La seconde concerne le fait qu'il faut évacuer l'eau contenu à l'intérieur du tube lance missile juste avant de déclencher le tir.

Ces projets sont en général la chasse gardée des très gros industriels de la Défense qui le développaient entièrement en interne , mais évolution des temps , les industriels avaient décidé par soucis d'économie de sous-traiter une partie du projet à des sociétés extérieures .

On avait déjà répondu à une évolution de ce programme en sous-traitance de Technicatome mais EADS avait jugé  notre prestation trop chère.

 

Cette fois -ci, le contexte était différent .

Isis était devenue une société de taille suffisamment importante pour pouvoir concourir sur ce type d'appel d'offres et se passer de la notoriété de Technicatome .

Elle maîtrisait parfaitement les technologies nécessaires au projet.

En conséquence le coût de notre développement était réduit.

De plus, Hervé Guillou venait d'être nommé DG de la filiale missile d'EADS , la société maître d'oeuvre du M51 .

Nous avions travaillé ensemble pendant quelques années lorsqu'il était DG de Technicatome .

Je pense qu'il m'appréciait particulièrement et qu'il avait totalement confiance dans les les compétences d'ISIS pour mener à bien un projet de cette taille et de cette technicité.

 

Le projet était très délicat . Il était interdit d'utiliser des logiciels pour faire fonctionner les automates qui devaient, vue les exigences de sécurité et de fiabilité , être réalisés uniquement à l'aide de composants matériels.

.

Nous avons finalement remporté ce projet, à la surprise générale après de nombreuses confrontations avec les équipes techniques et financières du maître d’œuvre .

 

Et cette fois encore , comme lors de l'affaire des bancs BIS, cela nous a permis de franchir une

étape importante dans la maîtrise de grands projets industriels .

La société est reconnue encore aujourd'hui comme une des sociétés françaises leader sur ce type de marché.

 

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25 janvier 2016

SELISA -les radars de trajectographie

En avril 2005 , suite à la vente de notre société par Technicatome, j'ai été nommé PDG d'Isis innovation, la holding du groupe qui détenait maintenant 100 % d'Isis ingénierie, le nouveau nom d'Isis Mpp . Et après quelques hésitations j'ai décidé d'investir sur nos biens propres et je suis devenu actionnaire de cette société.

Je n'étais bien sûr pas majoritaire mais mes les deux fonds d'investissements qui détenaient chacun 41% du capital me laissaient prendre seul toutes les décisions stratégiques .

Je me doutais bien que dans très peu de temps se poserait le problème de leur sortie et de mon remplacement mais en attendant j'avais décidé de passer à la vitesse supérieure pour accroître le chiffre d'affaires et la rentabilité de la société.

En multipliant les efforts commerciaux, en recherchant des opportunités de croissance externe mais aussi des alliances avec des sociétés qui pourraient déboucher sur la vente d'Isis et la création d'un groupe de taille beaucoup plus importante.

Je voulais montrer que j'étais beaucoup plus efficace lorsque je prenais seul mes décisions sans le contrôle d'un comité de direction comme celui de Technicatome .

J'étais, comme toujours secondé par mes cadres techniques, financiers, commerciaux et mes fidèles partenaires au sein du conseil d'administration, Bruno Langlois. Micheline Fontaine et Michel Hollinger.

 

La première opportunité de croissance externe fut découverte par Bruno Langlois .

Il s'agissait d'un fond de commerce de la société SELISA, une filiale de la Poste .

Cette affaire, bien que de taille et d'importance moindre me rappelait la reprise du département défense de Thomson .

Créée en 1979 , Selisa était une société qui intégrait des systèmes informatiques en environnement industriel avec une activité dans le domaine de la Défense.

En 1999, elle avait été rattachée au groupe LA POSTE qui se proposait de développer en interne, des métiers liés à l'activité postale comme l'automatisation des plates-formes de tri des colis.

Au bout de quelques années , le groupe LA POSTE avait décidé de se concentrer uniquement sur ses métiers traditionnels , le courrier, les colis , la logistique, les services financiers et bien sûr son réseau grand public et donc de céder son département systèmes embarqués dont le principal client était la Marine Nationale.

 

Très intéressé, nous primes contact avec le DG de SELISA, Alain Raguenaud qui nous présenta l' activité .

Le département Systèmes embarqués concevait , fabriquait et maintenait en conditions opérationnelles des systèmes de contrôle et de commande embarqués pour les secteurs maritimes et de la Défense nationale .

Des études mécaniques, électriques, électroniques , des développements logiciels, des cablages filaires complexes ainsi que des intégrations d'ensembles de mécaniques, électroniques et informatiques.

Il y avait entre autres parmi les systèmes développés par le département des baies informatiques navalisées, des tableaux de sécurité plongée pour les sous-marins AGOSTA, des coffret de traitement de l'immersion et de l'assiette pour des sous-marins à propulsion diesel de type SCORPENE et pour des sous-marins nucléaire d'attaque de type VIGILANT, des boites noires sous-marins et des instrumentations lance torpilles .

 

Tout ces produits , bien que conçus avec des techniques voisines de celles de notre société nous étaient totalement inconnus .

C'est pourquoi, avant d'accepter de reprendre ce fond de commerce, nous avons ici aussi rencontré, l'homme clés de cette activité .Il se nommait Jean-Paul Bourzès .

C'était un ingénieur de l'école navale qui avait été durant 25 ans capitaine de vaisseau dans la Marine Nationale et qui , depuis 1996, était le responsable de cette activité tout d'abord dans la société ALFA COLOMBES puis chez SELISA .

Dès le premier contact, il apprécia notre manière de gérer les affaires de Défense qui étaient voisines des siennes et fort éloignés des méthodes du groupe LA POSTE .

Comme avec Jean Canavy , je lui expliquais dès notre première rencontre que l'on comptait énormément sur lui et que je lui laisserai les pleins pouvoirs sur son activité.

C'est donc lui qui effectua toutes les démarches pour récupérer les affaires, les clients et le personnel technique compétent.

Et bien sûr, c'est Micheline Fontaine avec son adjoint sur Paris Aymeric Bessière qui le déchargea de toutes les taches administratives.

Au niveau social, il n'y eut aucun problème. Jean Paul Bourzès et son équipe furent embauchés en réintégrant leurs salaires et leurs anciennetés .

Le changement de lieu de travail ne posa pas non plus de problèmes car notre établissement de Massy se trouvait à quelques kilomètres de Rungis.

 

Les équipes de SELISA qui étaient plus proches de notre culture industrielle que de celle des fonctionnaires de LA POSTE s'intégrèrent très rapidement à nos équipes.

Et, encore une fois, l'arrivée de cette nouvelle activité améliora et l'image industrielle et la rentabilité du site de Massy .

 

C'est aussi à cette époque que Jean Canavy gagna l'important projet des radars de trajectographie.

J'avais expliqué que lors des négociations qui ont accompagné sa sortie du groupe Thomson, il avait réussi à convaincre deux ingénieurs spécialistes de radars de venir nous rejoindre.

Grâce à eux , ISIS acquit rapidement une forte notoriété dans le domaine des interventions sur les sites radars.

Nos équipes furent jugées plus performantes que celles de Thomson .

C'est ainsi qu'après être intervenus sur les radars de surveillance ARES et PALMIER pour le compte de la Défense Nationale nous avons gagné un appel d'offres équivalent pour le service maintenance de l'OTAN avec des interventions en Europe et en Turquie.

Ces radars sont de type surveillance terrestre . Il s'agit des grandes paraboles de près de 10 mètres de diamètre que l'on voit tourner au sommet des montagnes et qui détectent les approches aériennes , avions ou missiles.

Nos équipes étaient chargés d'effectuer toutes les interventions de maintenance sur ces très gros radars, notamment aller sur le site , démonter des éléments en prenant garde à ne pas s'exposer aux très forts champs radioélectriques .

Nos techniciens étaient aussi habilités à travailler sur des sites d'altitude comme les alpinistes car pour certaines interventions ils opéraient sur des échelles de plus de 40 mètres de haut parfois sous la pluie ou la neige.

Il fallait en suite démonter à l'aide de grues certaines grosses pièces comme les joints tournants qui s'usaient et qu'il fallait faire ré-usiner chez nos sous-traitants .

Nos équipes avaient la double compétence hyperfréquences et mécanique .

Ces activités étaient très bien rémunérées car jusqu'à présent elles étaient effectuées soit par des techniciens de Thomson, soit par des techniciens de la Défense nationale.

 

Comme nos coûts d'interventions étaient beaucoup plus faibles et que le ministère de la Défense cherchait à réduire ses dépenses , Jean Canavy imagina de s'attaquer au marché des radars de trajectographie.

 

Ces radars étaient utilisés lors des essais pour suivre et analyser par exemple les trajectoires des missiles air-air tirés à partir d'un avion rafale ou mer-air à partir d'un sous-marin.

Ils étaient installés sur les centres d'essais de la défense nationale au CEV Cazaux, au CEL de Biscarosse, au CEV d'Istres et au CEL de l'Ile du Levant.

 

Jean s'est révélé être un très bon négociateur et sous son aspect rustre, il savait créer autour de lui un climat de confiance et d'amitié avec les clients.

Et c'est ainsi que nous avons gagné l'appel d'offres qui concernait les interventions de maintenance sur les radars de trajectographie de tous les centres d'essais de France.

J'ai un autre souvenir concernant à cette affaire.

Nous avions gagné ce projet contre les équipes de Thomson qui n'étaient pas très joyeuses mais ces grosses sociétés savent rebondir et ils ne nous en ont pas trop tenu rigueur.

Par contre une grosse partie de ces interventions étaient auparavant effectuées par les personnels des centres d'essais .

Mais pour des raisons budgétaires le ministère avait décidé de nous confier ces affaires et de muter leurs personnels sur d'autres activités.

En conséquence de quoi, nous ne nous sommes pas fait d'amis de la part des équipes à qui nous avions pris le travail.

C'était en particulier le cas du responsable de la maintenance radar du CEV de Cazaux.

Or un jour, Jean Canavy arriva dans mon bureau pour m'expliquer que toutes nos interventions pour maintenir les radars de trajectographie se déroulaient correctement sur tous les centres d'essais, que nos équipes et nos clients étaient satisfaits sauf au CEV de Cazaux .

Là, il y avait toujours des problèmes. Des pannes incompréhensibles .

Nos techniciens qui étaient félicités pour leurs interventions sur les autres centres semblaient incompétents.

Le responsable de l'activité ne nous donnait aucune aide.

J'ai senti le piège et j'ai proposé à Jean de l'embaucher.

Il fut surpris de mon idée car il ne pensait pas qu'un fonctionnaire en fin de carrière puisse imaginer terminer sa vie professionnelle dans une PME comme la notre.

Mais en bon petit soldat, il accepta la mission. Il se rendit à Cazaux .

Au début, le responsable ne voulut pas le rencontrer mais ils finirent par se voir .

Jean lui proposa une embauche et à sa grande surprise la négociation commença tout de suite.

Je ne raconte pas ici les détails ni les conditions de la négociations mais finalement il fut embauché chez ISIS comme responsable de l'activité sur le site de Cazaux.

Il ne craignait plus d'être muté et avait négocié une meilleure fin de carrière.

Tout le monde était content. Lui , bien sûr, Jean et ses techniciens car toutes les interventions se sont bien déroulées depuis et les clients car le travail s'est effectué à moindre coup.

Elle est pas belle la vie !

19 janvier 2016

Isis Mpp en 2004

Au cours de l'année 2004 , comme les perspectives de croissance de notre société s'étaient encore améliorées , Technicatome et Truffle venture décidèrent d'avancer d'un an la date de la vente d'Isis Mpp.

Et , pour trouver de nouveaux investisseurs , ils me demandèrent de rédiger quelques dossiers pour présenter la société sur le plan technique et financier et surtout pour que j'expose ma stratégie pour les années futures.

J'ai retrouvé récemment un de ces documents.

Il s'agit d'un fichier power point qui faisait le point sur nos activités, nos résultats et notre organisation en cette année 2004 .

Je le résume ici.

 

Isis Mpp était implantée sur six sites en France :

Tout d'abord deux établissements , l'un à Toulouse, le siège social où se trouvait mon bureau principal avec 168 personnes sur 4400 m2 et l'autre à Paris avec 83 personnes sur 2800 m2.

Puis quatre agences de proximité :

L'agence de Michel Le Goff à Brest avec 12 personnes sur 300m2,

l'agence de Denis Stevant à Nantes avec 18 personnes sur 324m2,

l'agence d'Arnaud Pozobon à Bordeaux avec 12 personnes sur 200m2 ,

et l'agence de Jack Swift à Cannes avec 16 personnes sur 1027 m2 .

 

Pour limiter mes déplacements, j'avais structuré la société en deux secteurs , sud et nord.

 

Je pilotais directement le secteur sud, c'est à dire Toulouse, Bordeaux et Cannes mais j'avais délégué à Bruno Langlois le secteur nord, Paris, Brest et Nantes.

 

La société comprenait 6 départements techniques sous la responsabilité de Michel Hollinger au sud et de Bruno Langlois au nord :

l' électronique de Pierre Barnier à Toulouse,

l' informatique de Sylviane Pibrac, à Toulouse et à Cannes,

le test d'équipements de Mohamed El Ouardi à Toulouse et à Bordeaux,

les réparations défense de Jean Canavy à Toulouse,

le test de cartes de Michel Lepers, Michel Le Goff et Denis Stevant à Massy, Brest et Nantes,

et les télécommunications de Jean Gyuran à Massy.

A coté des départements techniques il y avait des services généraux :

Le service qualité de Patrick Dupleix, le service Logistique de Philipe Lambert , l'atelier de cablage de Jean-François Pujol, le bureau de dessins industriels de Bernard Jalabert .

Les affaires étaient suivies par 14 commerciaux sous la responsabilité d'Alain Pourteau, Georges Escola et Alain Thibaut.

 

Et pour terminer , le service administratif de Micheline Fontaine qui comprenait la comptabilité, le contrôle de gestion, la DRH, et le service achat de Maïté Zambelli qui était aussi ma secrétaire.

 

Dans ce document, je présentais les activités de la société de la manière suivante :

Isis Mpp est une société de services électroniques et informatiques qui exerce ses activités sur des systèmes complexes qui nécessitent des moyens de validations importants et dont le cycle de vie peut dépasser 30 ans.

Isis intervient en support aux équipementiers électroniques pour la conception de nouveaux produits et en remplacement des équipementiers pour le maintien en conditions opérationnelles des produits en fin de vie.

 

Pour les nouveaux produits, Isis assure la conception des moyens de tests spécifiques et développe les logiciels de test pour cartes, coffrets et sous-systèmes.

Pour les produits en fin de vie, Isis assure la maintenance, le traitement des obsolescences et l'industrialisation des produits ou des moyens de test.

 

Isis intervient à la croisée de 3 métiers, l'électronique, l'informatique et l'ingénierie du test électrique.

La société dispose d'une forte expertise pour la conception et la validation de systèmes de test complexes tels que les satellites, les trains, les avions et les systèmes de défense.

 

Fin 2003 la société avait réalisé un chiffre d'affaires de 27 M€ avec un résultat après impôts de

1,3 M€.

 

Pour présenter en quelques phrases notre positionnement stratégique , j'ajoutais :

 

Isis ne développe pas de produits propriétaires.

Isis capitalise son savoir faire et en fait bénéficier ses nouveaux clients.

Isis est indépendante de ses clients , des équipementiers et des fabricants de testeurs.

Sans produits propriétaires, Isis n'est jamais concurrente de ses clients.

 

Par sa politique de ressources humaines, Isis se distingue à la fois des grands comptes industriels et des sociétés de services.

Contrairement aux donneurs d'ordres qui recrutent essentiellement des ingénieurs généralistes , Isis emploie en majorité des spécialistes .

Contrairement aux sociétés de services qui embauchent de jeunes ingénieurs et favorisent leur départ au bout de quelques années , Isis utilise des techniciens expérimentés et cherche à les conserver dans leurs domaines d'expertise.

 

Parmi nos principaux clients on trouvait :

Airbus, Thales, Snecma, Rockwell, Dassault, Safran, EADS, MBDA, Orange, RATP, SNCF.

 

 

Pour donner un aperçu du niveau de compétences et de savoir faire de nos équipes, je présente ici brièvement quelques projets.

 

Pour le département ingénierie :

Les moyens de simulation vidéo pour valider l'électronique de traitement des caméras d'un satellite d'observation .

Les moyens de test de la fonction compression de trains vidéo numériques pour satellite.

Une expérience médicale embarquée sur la navette spatiale US.

Des bancs de simulation de défauts sur le réseau de transport 400KV d'EDF.

Des bancs de validation des logiciels de contrôle commande électrique des TGV de la SNCF .

Des banc d'intégration de l'avionique de la plateforme satellite d'Alcatel espace.

L'ensemble des bancs d'intégration de l'avionique des A380 d'Airbus.

La modernisation des bancs de test des missiles stratégiques embarqués à bord des sous- marins nucléaires de la Défense nationale.

La rénovation de cartes électroniques du char Leclerc .

 

Pour le département ingénierie de test :

Plus de 5000 logiciels de tests de composants, de cartes et d'équipements électroniques sur testeurs universels Agilent , EADS, Genrad, Marconi , Matra , Rohde & Schwarz, Schlumberger, Teradyne.

Des automates de sonnage pour effectuer les essais de continuité et de claquage sous 500V des câblages avioniques et cabines de l'A380 d'Airbus.

 

Pour le département Maintien en condition opérationnelle et Tierce maintenance applicative :

La re-fabrication des terminaux numériques de télécommunications pour France Télécom.

La gestion des obsolescences des relais radio du réseau de télécommunication Rubis de la gendarmerie nationale.

La maintenance des radars de surveillance du territoire pour la Défense nationale et pour l'OTAN .

 

 

Je présentais en suite un historique du développement de la société depuis sa création en 1982 :

Au cours des dix premières années , la société ne s'était développée qu'autour d'un seul client, Airbus.

A partir de 1992, j'avais amorcé un changement de stratégie par une politique d'acquisition de sociétés ou de services.

La division Test de CS Défense en 1995 , MPP en 1995, le département réparation de Thomson TSI en 1999, Ixore en 2000, SR2I et le département réparation de CS Télécom en 2001 et Technitest en 2002 .

 

J'ai ensuite présenté le bilan social que je résume ici :

La société adhère à la convention collective de la métallurgie et a signé un accord légal de participation des salariés aux résultats de la société.

Suite aux lois sur les 35 heures , la société a opté pour la faculté de maintenir son horaire hebdomadaire à 38 heures et demi.

Parallèlement à ces dispositions, elle a mis en place un accord d'intéressement en 2000 , renouvelé en 2003 et reconductible par période triennale.

Le montant de l'intéressement versé est fonction du résultat courant de l'exercice.

La société a été en mesure de distribuer chaque année un montant d'intéressement et de participation depuis la mise en place de ces accords.

La société accueille chaque année une vingtaine de contrats en alternance et consacre environ 4% de sa masse salariale à la formation professionnelle continue.

Depuis sa création la société n'a connu aucun arrêt de travail pour cause de conflit social.

 

 

Je continuais ma présentation en développant la stratégie de l'entreprise pour les trois années futures :

Le développement commercial s'appuie sur la dualité produit neuf, produit ancien ,

sur la reprise de fonds de commerces d'experts et d'outillages spécifiques,

sur la fidélisation des clients par étapes : assistances sur sites clients, agences de proximité, forfaits et externalisation des activités clients.

Par une adaptation continuelle aux besoins des marchés, Isis a su maintenir ses performances financières malgré les crises .

Isis s'est développé progressivement sur des marchés nécessitant une électronique complexe ;

aéronautique, spatial, défense, ferroviaire.

Dans le futur les marchés en forte croissance correspondent au secteur automobile pour les produits et à la Défense pour le maintien en conditions opérationnelles.

Isis a tiré et tirera bénéfice des réorganisations de ses clients.

Les clients sous-traitent de plus en plus leurs activités de test et de maintenance car elles ne sont plus assez rentables sur leur seul marché.

 

Et je terminais l'analyse stratégique par la présentation traditionnelle de nos forces et faiblesses .

Nos forces :

Notre positionnement sur plusieurs marchés,

sur des projets en conception et des produits en fin de vie.

Notre population d'experts techniques.

Nos nombreuses fusions acquisitions réussies .

Notre avance sur nos concurrents , notamment sur les filiales des grands groupes.

 

Nos faiblesses :

Les opérations de croissance externe que nous avons réalisé uniquement par auto-financement nous ont imposé le rapprochement qu'avec des sociétés à capitalisation réduite ou en difficulté.

L'interdiction par notre maison mère de permettre aux cadres de direction d'accéder à l'actionnariat à interdit le rapprochement avec certaines sociétés notamment à l'export.

Notre taille ne nous permet pas d'accéder à de très gros contrats de concession de maintien en conditions opérationnelles des marchés de la défense.

 

En conclusion, la société se portait bien et l'avenir était rose.

 

 

11 décembre 2015

l'année de mes 60 ans

En ce début d'année 2003, l'année de mes 60 ans, je me trouvais dans une situation professionnelle assez singulière .

J'étais à la tête d'une société qui venait de réalisé un chiffre d'affaire de 27 M€ avec un résultat net après impôts de 1.3M€. L'effectif de la société était de 294 personnes travaillant sur 6 établissements à Toulouse, Massy, Cannes, Brest, Bordeaux et Nantes.

 

Mon actionnariat venait d'être modifié avec l'arrivée du fond d'investissement Truffle Venture qui avait pris 14.3% du capital et qui devait prendre le contrôle d'ISIS MPP à mi 2005 .

 

C'est à cette date , le 11 Février 2003, que mon P DG , Robert Saglio a envoyé un mail aux membres de mon conseil d'administration que je considère aujourd'hui comme mon plus beau diplôme .

 

Voici le mail, je n'ai pas recopié les tableaux....

 

de : Robert Saglio

à : Hervé Guillou ; jean-max Gaubert ; jean-pierre Borsoi ; patrick Blandin ; jean yves Déon ; jacques Bouyssou ; micheline Fontaine ; Sylviane Blangeard ; henri Jaladieu

 

Objet : Quelques éléments sur la valorisation d'ISIS MPP

 

Mesdames, messieurs,

Au moment ou ISIS MPP se prépare à quitter le groupe Technicatome suite à la décision d'AREVA de se séparer de cette société sans synergie avec la grande AREVA , il me semble que le moment est venu de faire quelques rappels.

En pièces jointes vous trouverez

  • Un tableau excel ' Rentabilité de l'investissement dans ISIS MPP' qui montre que l'argent investit par Technicatome a rapporté plus de 20% par an sur 10 ans . Ce calcul est d'ailleurs pessimiste car j'ai considéré que tout avait été investi en 92 alors qu'une partie ne l'a été qu'en 96 .

Je pense que remercier ceux qui ont été responsables de cette évolution me paraît un geste minimal que la direction de Technicatome doit faire en encaissant le premier chèque , la plus value sur ISIS MPP couvrant plusieurs fois les pertes sur toutes les autres filiales réunies .

Il faut signaler de plus que cette brillante évolution doit peu aux marchés passés par le groupe TA qui n'ont jamais atteint, loin s'en faut 10 % du C A annuel et 2 % du CA cumulé sur 10 ans.

Il ne reste plus qu'à soutenir l'encadrement d'ISIS MPP pour traverser cette évolution de son actionariat et lui permettre de poursuivre la belle aventure qu'elle connait depuis 10 ans.

 

Robert Saglio

 

 

Sans commentaires......

 

 

Quelques mois plus tard, à peine débarqué, Dominique Mockly , le nouveau P DG de Technicatome s'était mis en tête , sur les conseils de ses cadres , d'annuler la vente partielle d'ISIS à Truffle Venture pour pouvoir fusionner leurs deux filiales toulousaines, notre société qui était profitable et ELTA qui était toujours déficitaire .

Une seule société sur Toulouse, cela voulait dire qu'il faudrait éliminer un des deux dirigeants et comme Pierre Verzat, le DG d'ELTA était polytechnicien comme Dominique Mockly, il y avait de fortes probabilités pour que je sois le dindon de la farce.

Heureusement pour moi, le montage financier et les arrangements intervenus entre les partenaires de Truffle venture et l'ancienne direction de Technicatome avait eu l'approbation du conseil d'administration d'AREVA et n'ont donc put être remis en cause.

Je restais donc DG d'ISIS , avec les pleins pouvoirs, jusqu'à la mi 2005, date à la quelle Truffle devait prendre une participation majoritaire chez nous.

 

En attendant, en ce début d'année 2003, trois affaires liées à l'A380 me posaient quelques soucis.

En premier lieu, je l'ai déjà relaté, le projet des bancs de validation pour les équipements avioniques de l'Airbus A380 , les bancs BIS, avait mal démarré et nous avions eu de gros dépassements sur le budget initial .

L'arrivée d'un nouveau chef de projet , Michel Dochy, m'a finalement permis de sécuriser l'affaire et de rassurer le client, mais cela allait affecter le résultat d'exploitation de l'année 2003 .

 

De plus, grâce à notre récente notoriété sur le marché aéronautique , nous avions aussi gagné deux autres affaires liées au développement du futur Airbus mais , malheureusement, elles aussi furent au début déficitaires.

 

La première consistait à développer un automate de sonnage pour la production des Airbus A380 .

Cet automate est utilisé sur les chaînes d'assemblage comme moyen de test .

Il permet de conduire les essais de continuité et de claquage sous 500 V afin de valider la totalité du cablage avion .

Il est ensuite employé à tous les stades du cycle de vie de l'avion pour le développement des prototypes puis en production série , en maintenance et aussi pour valider les évolutions .

Au sujet de cet automate, un souvenir.

Lorsque je proposais à Michel Hollinger de répondre à cet appel d'offre, il était très préoccupé par les difficultés engendrées par les bancs BIS .

Il examina brièvement le projet et ne le trouva pas assez intéressant pour ses équipes.

Il est vrai qu'il disposait à cette époque d'un bureau d'études parmi les plus performants .

C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avions gagné des affaires contre des sociétés industrielles beaucoup plus importantes que la notre.

En somme, il avait un peu la grosse tête.

Je lui ai proposé de laisser répondre à sa place, Mohamed El Ouardi qu'il considérait, lui et son service, comme des ingénieurs de seconde zone.

Je me souviens que plus tard, il fut un peu vexé lorsque ce projet est devenu, lui aussi, une success story et que grâce à lui, Mohamed bâtit à l'intérieur d'ISIS, un service d'études concurrent du sien.

Mais, comme pour gagner l'affaire j'avais été contraint à accepter de réduire le coût du développement du prototype, nous avons encore une fois dépassé le budget initial.

Le résultat de tout ceci fut que nous commencions à développer pour Airbus deux projets importants en même temps avec pour tous les deux des pertes financières conséquentes.

 

Heureusement pour nous, les projets aéronautiques, contrairement aux projets spatiaux qui sont généralement uniques, offrent de nombreux développements récurrents avec de faibles risques de dépassements par rapport aux devis initiaux.

Ce qui fut le cas pour nous mais qui ne se sont concrétisés que quelques années plus tard avec le développement des Airbus A400M, A350 et quelques autres jusqu'à aujourd'hui.

 

Je pouvais cette année là, me permettre quelques dépassements budgétaires que je considérais comme des investissements pour le futur car je disposais alors , avec les affaires Thomson à Toulouse et CS Télécoms à Massy, d'affaires très rentables avec de forts profits et de faibles investissements.

Je disposais aussi, d'une autre vache à lait, avec mes activités d'assistances techniques.

J'envoyais des ingénieurs ou des techniciens dans les locaux de nos clients en support sur des projets .

Dans ce cas, c'étaient les industriels qui prenaient le risque du dépassement budgétaire .

Mon seul risque consistait à identifier les compétences de la personne que je détachais chez le client et à réduire au maximum les inter contrats.

 

Mais il faut croire que cette année là, j'étais un peu grisé par mes succès car j'ai pris seul, un gros risque, pour la première fois sur une affaire d'assistance technique.

Il s'agissait de proposer une compétence pour le développement du logiciel d'un automate programmable encore une fois pour le projet A380 d'Airbus.

Lors de l'assemblage final , il faut soulever la structure de l'avion pour installer les deux réacteurs.

Airbus avait confié à la société Dedienne Aérospace l'étude et la fabrication de tripodes électro mécaniques que l'on plaçaient sous les ailes et qui soulevaient celles-ci avec bien sûr toutes les contraintes de sécurités nécessaires.

La société Dedienne Aérospace ne disposant en interne que de compétences mécaniques, cherchait un sous-traitant pour développer le logiciel de programmation de l'automate programmable qui devait piloter le tripode.

Personne chez ISIS n'avait d'expérience sur les automates programmables mais je pensais à tord qu'il s'agissait de logiciels assez proches de tous ceux que l'on utilisait chez nous et surtout que j'avais des ingénieurs suffisamment compétents pour s'adapter à ce projet et le mener à bien.

Je proposais de confier cette mission à Alain Bras.

C'était un ingénieur Sup Aéro que j'envoyais régulièrement chez Matra ou chez Alcatel espace en assistance technique sur des projets complexes .

En général, on se préoccupait peu du suivi de ces affaires qui étaient gérés directement par les clients.

On nous payait chaque mois au temps passé, donc sans risque.

Mais avec Dedienne Aérospace, le déroulement de l'affaire ne correspondit pas exactement à mes attentes .

Dès le début, Dedienne nous expliqua que les factures ne seraient pas payés à la fin de chaque mois mais lorsque le client Airbus aurait validé le projet.

Autrement formulé, on ne travaillait plus en régie contrôlée mais au forfait.

Comme cette société était d'une taille inférieure à la notre j'acceptais le deal en estimant que d'une part Alain Bras m'avertirait, comme il le faisait d'habitude s'il y avait un quelconque souci et que d'autre part je savais par expérience que les clients géraient directement les problèmes quotidiens.

Mais , surtout j'étais persuadé que cette affaire était peu importante et qu'elle ne pouvait pas dériver d'une manière trop dangereuse.

J'aurais du m'inquiéter d'autant plus que, comme je m'étais impliqué personnellement sur cette affaire et qu'Alain Bras était perçu par mes cadres au mieux comme un électron libre, au pire comme un intouchable car favori du grand chef, personne n'a surveillé l'affaire, ni ne m'a informé des dérapages éventuels.

Mais le jour de la recette du tripode, je m’aperçus que la société Dedienne nous devait environ 1 M€ et que le logiciel ne fonctionnait pas au désespoir du client final.

En conséquence de quoi, Jean-Claude Volot, le P DG de Dedienne me signifia qu'après avoir informé le client Airbus, il avait décidé de renvoyer Alain Bras , de le remplacer par un autre sous-traitant spécialiste de programmation d'automates programmables et de ne pas nous payer la prestation.

Je suis entré en contact avec Jean -Claude Volot et très rapidement j'ai compris que j'allais me retrouver dans une situation voisine de l'affaire de la vente de la société SR2I à Cannes.

C'est à dire devoir entamer un procès interminable sans être sûr de gagner car, dans ce type d'affaire , il est très difficile de prouver sa bonne fois .

D'autant plus que je n'étais pas sûr ici, d'avoir totalement raison quant à la qualité du travail effectué par Alain Bas . J'ai préféré négocier tout de suite .

Jean Claude Volot se révéla être un excellent négociateur , calme mais ferme mais finalement assez correct . Très éloigné du comportement des avocats corses de l'affaire de Cannes.

J'ai appris, qu'à coté de ses activités de manager de la société Dedienne Aérospace, il était un des membres important du Gifas, le syndicat des entreprises sous-traitantes de l'aéronautique et surtout qu'il était juge auprès d'un tribunal de commerce de la région Parisienne . Il était aussi membre d'un comité d’éthique.

Manifestement même si ma société était plus importante que la sienne, nous n'étions pas dans la même catégorie.

Après quelques jours de négociation , il me proposa de solder l'affaire en me payant la moitié de la facture , ce que j'acceptais.

Certains de mes cadres déçus par la tournure des événements m'ont fait comprendre que j'avais été très naïf sur cette affaire ,que probablement le travail d'Alain Bras avait été plus important que Dedienne ne voulait l'admettre et que j'aurais pu obtenir beaucoup plus .

Peu importe, j'ai toujours pensé qu'il valait mieux un mauvais arrangement à l'amiable qu'un bon procès.

 

 

 

 

18 novembre 2015

Les bancs Airbus A380

J'ai toujours adoré exercer mon métier de Directeur Général avec son lot quotidien de problèmes à résoudre en urgence.

Des problèmes techniques, commerciaux ou humains.

Mais, parmi toutes mes missions, celle qui m'a le plus passionné a toujours consisté à avec la mission de développer les activités du secteur aéronautique développer la stratégie de l'entreprise.

Comment la développer . Comment éviter sa décroissance. Quels sont mes marchés .

Où en sommes-nous, Comment nous situons-nous par apport à nos concurents.

Où voulons nous aller , sur quels marchés, avec quels moyens.

Que va devenir la société ou tel service .

En ma qualité de DG d'une filiale d'Areva, je devais chaque année présenter le plan stratégique d' ISIS MPP au comité de direction constitué d'une dizaine de cadres dont Robert Saglio mon président , Bruno Schmitt, Hervé Guillou et Alain Bugat, respectivement,directeur financier, directeur général et président de Technicatome.

 

En ce début de l'année 2002, je présentais les résultats et les objectifs de la société .

Coté positif, le résultat net après impôts de l'année 2001 avait doublé, conséquence de l'acquisition du centre de maintenance de Thomson.

Mais notre chiffre d'affaires était resté constant car l'augmentation des activités Thomson était contrebalancée par la baisse des activités bancs de test de Toulouse et des activités de test de cartes de Champlan.

 

Sur le marché des télécommunications Champlan était victime de la décision de France Télécom, aujourd'hui Orange, de réduire la maintenance des centraux téléphoniques filaires.

Mais grâce à la reprise des activités de CS Télécoms, nous allions augmenter fortement nos parts sur ce marché, notamment en Afrique avec la téléphonie rurale et en France avec la maintenance du réseau de télécommunications RUBIS de la gendarmerie nationale.

 

Les études électroniques et informatiques de Michel Hollinger à Toulouse avaient été fortement pénalisées par la crise des Télécommunications qui affectait aussi le secteur spatial.

Heureusement, l'acquisition de la société SR2I de Cannes nous avait apporté une nouvelle notoriété dans le développement des bancs de validation systèmes et des simulateurs qui nous a permis de gagner un très gros contrat pour la simulation des systèmes ferroviaires de la

SNCF , le banc BATIR.

Nous étions très fiers de l'obtention de ce contrat, car nous avions gagné, non pas contre des petites sociétés , ni contre de grosses SSII mais pour la première fois contre le leader français du domaine ferroviaire, la société ALSTOM qui avait d'ailleurs essayé de nous évincer de cet appel d'offres en proclament que nous étions trop faible et trop fragile pour mener à terme un projet d'une telle ampleur.

J'étais personnellement très fier car ce projet justifiait ma stratégie de croissance externe.

Le projet commercial avait était amené et géré par Alain Pourteau mon directeur commercial ancien de MPP Champlan.

Les clients avaient été séduits par notre expérience dans le domaine Spatial grâce aux projets de la société SR2I de Cannes .

Et bien sûr, par la réponse originale des équipes de Michel Hollinger de Toulouse.

 

Nous étions prêt à nous attaquer aux futurs gros projets toulousains liés à l'A380 dont la société AIRBUS venait d'annoncer le démarrage du prototype.

Depuis mon arrivée chez ISIS en juin 1991, j'avais toujours rêvé de développer des moyens d'essais pour la validation des prototypes d'AIRBUS.

Mais, jusqu'à présent, les acheteurs et les cadres techniques d'AIRBUS n'avaient considéré ISIS MPP que comme un petit sous-traitant tout juste capable de développer des logiciels de test spécifiés par son département Test & Services.

Nous avions maintenant , j'en étais sûr une équipe d'ingénieurs autour de Michel Hollinger, capable de rivaliser avec les meilleurs bureaux d'études pour le développement de ces moyens d'essais.

Nous avions au cours de ces dernières années acquis une forte notoriété pour l'étude de moyens similaires dans les domaines Spatial et Ferroviaire .

Mais cela ne suffirait pas pour convaincre les décideurs de l'aéronautique.

Car, si j'ai acquis une certitude au cours de ma carrière professionnelle c'est bien que, quelque soit son domaine industriel , Aéronautique, Spatial, ferroviaire, Automobile, Télécommunications ou Energie, chaque ingénieur est persuadé qu'il n'y a pas de compétences techniques supérieures à celles de son secteur industriel.

 

Les efforts devraient être poussés sur l'amélioration de l'image de notre société dans le secteur aéronautique .

Georges Escola avait une bonne notoriété dans les domaines informatiques et spatial.

Alain Pourteau était surtout reconnu dans le domaine de la Défense.

Seul Dominique Bories venait du milieu aéronautique mais il était trop jeune .

 

Pour améliorer notre image auprès d'Airbus, il nous fallait impérativement trouver un commercial reconnu, capable de convaincre les décideurs aéronautiques de la réalité de nos compétences.

Pour être sûr de trouver le bon candidat, j'allais employer la méthode qui m'avait toujours réussi jusqu'à présent .

J'ai toujours privilégié l'embauche d'un candidat que je connaissais personnellement ou qui m'était recommandé par une personne en qui j'avais totalement confiance.

Pour développer la société sur le marché aéronautique et éventuellement à l'export, il me fallait un commercial senior avec une forte expérience aéronautique, parlant bien anglais et bien sûr avec des prétentions de salaires compatibles avec les possibilités de ma société.

Où trouver cet oiseau rare et existait-il seulement.

 

Par mon copain Marceau Riche qui travaillait dans le département des livraisons d'AIRBUS, je savais que les ingénieurs commerciaux aéronautiques étaient très bien payés, que personne ne voudrait quitter AIRBUS pour rejoindre notre petite société.

Je suis arrivé à la conclusion que je devais chercher un commercial parmi mes anciens collègues lorsque je travaillais au département ATEC de l'Aérospatiale.

J'ai pensé à Alain thibaud qui s'occupait, au sein de Eads Test & Services, de la commercialisation des bancs de maintenance de l'avionique des Airbus pour la région asiatique.

Mais je ne l'avais pas vu depuis que j'avais quitté Airbus pour Matra en 1982.

Comment l'aborder et voudrait-il quitter son poste pour nous rejoindre ?

 

Je l'ai rencontré , par le plus grand des hasards, en prenant de l'essence à la station service de Pibrac sur la route de Colomiers et justement, cette semaine là, il y avait eu une réorganisation de son service et il n'avait pas obtenu le poste qu'il espérait .

Déçu , il venait justement d'envisager de quitter son poste .

Ma proposition lui a tout de suite plu.

Je l'ai embauché rapidement en qualité de directeur commercial du secteur aéronautique et aussi comme il parlait bien anglais, avec la mission de développer nos activités à l'export.

 

Michel Hollinger qui ne s'intéressait qu'aux aspects techniques fut ravis de ma décision.

Georges Escola et Alain Pourteau, les deux autres directeurs commerciaux n'ont pas tout de suite apprécié . Ils auraient préféré que j'embauche un commercial plus jeune.

Mais Alain Thibaud, s'est fait très rapidement apprécié de toute la société par ses qualités de négociateur , son expérience ,son réseau et sa maîtrise de l'anglais.

 

Le deal était maintenant de gagner un projet important chez Airbus.

 

J'envoyais Alain Thibaud traîner dans les couloirs à la recherche d'un projet intéressant pour les équipes de Michel Hollinger ou de Mohamed El Ouardi .

Au bout de quelques jours, ce n'est pas Alain Thibaud le commercial, mais Michel Hollinger, le technique qui revint avec un projet très important.

Une affaire que l'on estimait à plusieurs millions d'euros.

Le développement des moyens de validations de tous les équipements avioniques de l'Airbus A380.

Jamais on n'avait répondu à un appel d'offres de cette importance.

 

J'explique brièvement le besoin.

 

Lors de l'étude d'un nouvel avion, les ingénieurs d'AIRBUS, commencent par développer un simulateur au sol que l'on appelle l'iron bird.

Ce simulateur permet de tester toutes les manœuvres de l'avion au sol et de spécifier les équipements sous-traités avant de démarrer la construction et de faire les premiers essais en vol.

Pour la partie avionique il faut intégrer tous les équipements de l'avion à l'aide d'une série de bancs électroniques , les bancs BIS qui s'interfacent avec les équipements réels développés par les grands sous-traitants d'AIRBUS, Français et étrangers.

 

Pour l' A380, le nouveau projet consistait à développer tous les logiciels permettant de piloter tous ces équipements et à réaliser toutes les interfaces entre ces équipements et les calculateurs d'essais au sol.

Ces interfaces devaient être constituées de logiciels et de cartes électroniques.

Michel Hollinger me proposa dans un premier temps de faire réaliser par ses équipes la partie informatique du projet et d'approvisionner les cartes électroniques par la grande société électronique américaine de l'époque, la société Hewlett-Packard .

Il l'avait choisi parce que c'était justement le commercial de cette société qui nous avait proposé de participer avec eux à ce projet.

En effet, au départ AIRBUS nous avait exclu de la liste des compétiteurs car ils estimaient que ISIS était de taille trop faible et que nos ingénieurs n'étaient pas assez compétents pour faire partie de leurs sous-traitants sur ce projet.

 

J'étais emballé par cette organisation et je donnais mon accord.

Nos équipes se mirent à étudier sa faisabilité .

 

Mais j'avais peu d'espoir de gagner cette affaire.

La plus grosse partie de ce projet devait être développée par nos équipes .

Je savais que nous étions, grâce à notre expérience dans les domaines spatial et ferroviaire ,

sûrs de présenter la meilleure proposition technique mais que jamais nous ne pourrions gagner face à nos concurrents . Les concurrents, je les connaissait bien . Il s'agissait du département Test de Matra, à ce moment EADS astrium et du département test d'AIRBUS à ce moment EADS Test & Services.

Il se trouve que j'avais moi même était ingénieur d'études dans ces deux services et que je connaissais parfaitement leurs compétences et leur personnel qui était pour la plus part mes amis ou des amis de mes cadres.

 

Je proposais à mes anciens collègues de Test & Services de répondre avec eux .

Ils refusèrent, sûr d'être les futurs gagnants de cet appel d'offre . Pour eux, il était impossible qu'AIRBUS confit un projet aussi stratégique à une société extérieure à leur groupe.

 

Je proposais à mes anciens collègues de Matra, Jean Jacque Montiel et Andrée Benichou de répondre avec eux. Ils m'expliquèrent qu'ils estimaient avoir plus de chance de gagner l'appel d'offres en répondant avec Test & Services.

 

Finalement, on répondit comme le voulait Michel Hollinger avec Hewlett-Packard.

Mais Test & Services refusa de répondre avec Matra et il y eut donc trois compétiteurs.

 

Et chose extraordinaire, notre proposition fut dans un premier examen la mieux notée .

Les responsables techniques appréciaient les solutions proposées par Michel Hollinger et les acheteurs étaient ravis car notre proposition était la moins chère.

En effet, j'avais proposé pour baisser le coût du développement du logiciel que nous cédions le noyau informatique déjà développé pour les bancs spatiaux et ferroviaires pour un euro.

 

Après de nombreuses modifications demandées par les clients,notre solution était sur le point d'être choisie et envoyée aux grands patrons d'AIRBUS pour une décision finale.

 

Mes anciens collègues de MATRA ne s'en sont jamais remis . Aujourd'hui encore ils m'en parlent lorsque nous nous retrouvons lors d'un pot de départ en retraite ou d'une ballade en montagne.

 

Par contre l'équipe de Test & Services nous attaqua politiquement et ils faillirent gagner.

L'affaire monta jusqu'au plus haut niveau hiérarchique .

J'ai été contacté par Jean Louis Dupouy qui était alors le directeur général des Achats AIRBUS .

Il m'apporta finalement son soutien après un repas dans le restaurant VIP d'AIRBUS .

Je me souviens particulièrement de ce repas.

On n'a parlé ni technique ni argent mais seulement engagement moral entre deux responsables , un peu comme on le voit dans les films sur la mafia.

On m'a seulement demandé de me porter garant personnellement de la réussite du projet , et de rester en contact au cas où il y aurait un problème.

Et on a gagné , à la surprise générale .

 

Le gain de cette affaire eut un retentissement énorme dans tout Toulouse .

On a gagné grâce à Michel Hollinger et à ses équipes , à notre nouveau commercial Alain Thibaud qui nous a amené ses qualités exceptionnelles de négociateur mais aussi grâce à la confiance et à l’opiniâtreté de Jean Louis Dupouy qui nous a défendu contre tout le staff français et allemand d'AIRBUS .

Jean Louis m'a raconté, quelques années plus tard, alors que nous étions tout deux à la retraite, que cette affaire lui avait valu quelque désagréments, notamment, une enquête pour corruption de la part des services financiers mais il n'a jamais rien reçu de notre part .

 

Il est vrai que voir une petite société comme ISIS MPP gagner un projet aussi stratégique contre des départements de MATRA et d'AIRBUS est assez exceptionnel.

 

Eh effet ce banc était essentiel pour valider le prototype de l'A380 et le moindre retard pouvait avoir des conséquences énormes sur la rentabilité du groupe.

 

Nous nous sommes mis au travail.

 

Dès le début du projet, Michel Hollinger me mis devant un problème assez délicat.

Ses services techniques s'aperçurent que les cartes fournies par la société américaine Hewlett-Packard n'étaient pas assez rapides pour permettre au banc de tenir les spécifications demandées par le client.

Il me proposa de se séparer du fournisseur qui nous avait permis de gagner ce projet et de réaliser les cartes par nos propres équipes.

Il a fallu que je mette tout mon savoir faire, toute ma persuasion et toute mon hypocrisie pour

convaincre les équipes d'AIRBUS qu'il n'y avait pas d'autres possibilités pour remplacer les cartes du plus grands fabriquant de cartes électroniques américains que de les développer nous même.

Et surtout convaincre le responsable de Hewlett Packard qu'il fallait supprimer sa société de la liste des fournisseurs d'AIRBUS.

Michel m'en a fait quelques unes comme celle là mais cette fois c'était le pompon.

 

Nous nous mimes au travail mais , manifestement, ce projet nous dépassait un peu.

Les jeunes spécifieurs d'AIRBUS changeaient souvent d'avis et le projet commença à prendre du retard .

Retard cela veut dire mécontentement du client responsable du développement des bancs BIS qui ne veut pas que ses retards impactent le développement de l'A380 .

Mais aussi pertes financières pour notre société.

Il fallait réagir.

En fait nos problèmes provenaient essentiellement du fait que nos ingénieurs étaient trop jeunes , très techniques, passionnés par leur métier et soucieux de proposer toujours la meilleure solution aux problèmes posés par les clients.

D'où des modifications incessantes qui ralentissaient le projet et augmentaient considérablement les coûts.

J'avais appris chez Matra que pour résoudre ce genre de problèmes il ne faut pas mettre à la tête des équipes un responsables techniques mais un ingénieur chef de projet capable de négocier avec le client chaque modification avec la mauvaise foi pour principale qualité.

J'embauchais un ingénieur confirmé que j'avais connu chez Matra, Michel Dochy . Il fut très performant sur ce poste et nous permis de nous tirer honorablement de ce piège .

Avec toute fois des pertes financières qui se remarquèrent cette année là par une baisse importante de notre résultat.

 

En conclusion, le développement des bancs Bis du projet A380 a permis à notre société d'acquérir une forte notoriété dans le domaine des bancs de test et de simulation.

Grâce à lui nous avons gagné plus tard le développement des bancs pour les autres programmes avions d'AIRBUS, l'A400M, l'A350 , les bancs de test du cablage , ce

qui a assuré une charge conséquente pour de nombreuses années aux équipes toulousaines de Michel Hollinger et de Mohamed El Ouardi.

 

La société était rentable ce qui a donné l'idée à nos actionnaires d'AREVA de nous vendre.

 

 

 

 

24 août 2015

CS Telecom , l'AZF Toulouse

 

Que d'événements en cette année 2001.

On démarrait à peine nos aventures cannoises qu'est arrivée l'affaire CS Télécom .

 

Tout est parti de Bruno Langlois qui dirigeait les établissements du secteur sud d'ISIS .

Il prévoyait que ses deux principales activités allaient décroître

La première , le développement de programmes de test de cartes, parce que depuis le passage aux 35 heures, nos clients quittaient la France pour externaliser leur production dans les pays de l'Est, au Magreb et surtout en Chine.

Comme cette activité est essentiellement un service de proximité, il sera difficile de conserver nos clients à l'étranger.

L'autre activité, le dépannage des centraux téléphoniques filaires pour France Télécom et Alcatel, régressait d'année en année avec la montée en puissance des téléphones mobiles.

 

Il fallait trouver un nouveau relais de croissance pour nos équipes parisiennes.

 

D'autant plus que les agences du secteur sud étaient maintenant devenues très performantes grâce à trois activités.

Le test d'équipements de Mohamed el Ouardi sur Toulouse et Bordeaux .

Les bancs de test systèmes de Michel Hollinger sur Toulouse et depuis peu à Cannes avec notre nouvelle acquisition.

Et bien sûr, les activités très profitables de réparations d'équipements embarqués pour Thomson de Jean Canavy.

 

Le décalage en terme de charge et surtout de rentabilité entre le secteur sud et le secteur nord s'intensifiait et pouvait devenir une source de problèmes sociaux.

Le personnel du Sud estimait qu'il aurait de meilleures augmentations de salaires si l'on se séparait des activités peu rentables du nord .

Le personnel du Nord pensait lui qu'il était négligé par la direction générale installée à Toulouse et que , depuis la reprise de MPP par ISIS, la stratégie de développement s'exerçait exclusivement au bénéfice des Toulousains.

 

Il est vrai que les commerciaux du secteur nord passaient une grande partie de leur temps à rechercher des affaires pour les activités de Toulouse, alors que, aucun des commerciaux du secteur sud ne se préoccupait des affaires de Champlan.

 

Il fallait envoyer un signe fort en direction des Parisiens .

Mais ils n'étaient pas assez pointus techniquement pour gagner de nouveaux projets , face à la concurrence. .

La seule option qui me paraissait sérieuse pour accroître l'activité et développer de nouvelles compétences passait, là aussi par le rachat d'une société.

 

C'est précisément à ce moment que Bruno eut connaissance des déboires de deux filiales de la société CS Communications & Systèmes.

Suite à une situation financière catastrophique, les filiales télécoms de la société CS SI se retrouvaient en liquidation judiciaire.

Deux entités étaient concernées , CS Télécoms, qui employait 350 salariés pour l'étude et la maintenance d'équipements de Télécommunications et CS Electronics qui produisait ces équipements.

L'ensemble représentait en 2000, un chiffre d'affaires de 80 millions d'euros , pour une perte de 33 millions .

Bruno, m'a proposé d'examiner les différentes activités de ces deux sociétés et de se porter acquéreur de quelques unes d'entre elles au près du tribunal de commerce de Nanterre. … Sacré boulot.

 

Nous connaissions bien la société CS SI et son P DG Yazid Zabeg . Je l'avais rencontré avec Robert Saglio en 1995 lors du rachat de leur agence de Brest mais là c'était dans un tout autre contexte .

Il fallait passer par le tribunal de commerce . L'affaire était beaucoup plus importante et complexe.

Il y avait énormément d'employés qui risquaient d'être licenciés et de ce fait, les politiques et les média s'en mêlaient.

Et, comme souvent lors des liquidations judiciaires , quelques sociétés sulfureuses se portaient candidates à la reprise de certaines activités sans aucune éthique.

Pour notre part, notre société n'avait que des moyens limités . Nous n'avions pas l'ambition de reprendre la totalité de la société.

Nous cherchions, seulement si, parmi les différents produits développés par CS Télécoms, nous pourrions en récupérer quelques uns, à la manière de ce que nous avions fait lors de la reprise du centre de maintenance de Thomson.

 

On rencontra le directeur général de CS Télécoms, Mr Chekroun qui nous confirma ce que nous avions lu dans la presse, que la situation était catastrophique et qu'il désirait résoudre ses problèmes le plus rapidement possible .

Il nous présenta une liste d'activités et de produits susceptibles de nous intéresser.

Très rapidement, nous primes conscience que nous n'avions chez ISIS, aucune compétence dans le domaine des télécoms.

Comme pour l'affaire Thomson, il nous fallait trouver un homme clé en qui nous aurions confiance pour nous aider à faire le tri dans cette inventaire à la Prévert de produits télécoms.

Trouver, cet oiseau rare est toujours une entreprise délicate, avec des conséquences qui peuvent soit dépasser nos plus folles espérances comme ce fut le cas avec Jean Canavy et l'affaire Thomson soit aboutir à des résultats catastrophiques comme lors de l'affaire Cannoise.

 

Parmi, les cadres de CS Télecoms, on identifia Jean Gyuran, le directeur des services achats, logistique et support produits , un département de 80 personnes.

On le rencontra sans tarder et on fut séduit par la personne.

Il était je pense natif de l'est de la France , pas du tout extraverti comme les gens du sud, très calme et réfléchi .

Manifestement, il était très compétent , connaissait parfaitement le métier des télécoms, les clients, les fournisseurs et paraissait capable de choisir parmi les produits que l'on nous proposait ceux qui auraient pour nous un réel intérêt.

Je lui fis la proposition suivante.

Il nous aidait à préparer l'offre de reprise partielle de la société CS Télécoms au près du tribunal de commerce de Nanterre et si l'on gagnait, je l'embauchais et le nommais immédiatement directeur industriel du site de Champlan sous la responsabilité de Bruno Langlois .

Manifestement l'évolution de sa carrière au sein du groupe CS lui paraissait compromise .

Il avait environ 50 ans et il imaginait qu'en cas de licenciement il aurait énormément de difficultés à retrouver une situation équivalente.

Je pense aussi que la manière dont on s'était comporté lors de la reprise de l'atelier de maintenance de Thomson, a énormément influencé sa décision.

Il accepta le deal .

A deux ans d'intervalle on rejouait la même pièce, avec cette fois Jean Gyuran dans le rôle de Jean Canavy.

Il nous permit de faire un choix judicieux parmi la quantité d'équipements proposés par le liquidateur judiciaire et nous proposa d'embaucher les techniciens qu'il estimait être indispensables à la poursuite de l'activité.

Parmi ces produits, je me souviens qu'il y avait certains équipements du réseau RUBIS , l'ancien système de communication téléphonique de la gendarmerie et les boîtiers DRS qui étaient utilisés pour transmettre des données dans des zones non couvertes par les réseaux traditionnels de télécommunications comme par exemple en Afrique.

 

Mais l'affaire n'était pas terminée car il fallait maintenant attendre la décision du tribunal de commerce de Nanterre qui recevait tous les jours des propositions concurrentes de la part de sociétés plus ou moins sérieuses et tout cela commenté par les politiques et les média .

 

C'est d'ailleurs au cours de ces événements que nous avons rencontrés pour la première fois, nos futurs repreneurs, Jean Yves Rivière et Philippe Gautier, les dirigeants d'Eurilogic qui était alors une jeune société de 4 ans d'âge avec un chiffre d'affaires de 20 M€.

Ils se sont très rapidement désintéressés de l'affaire .

 

Parmi, les sociétés intéressés par la reprise partielle de CS Télecoms, je me souviens particulièrement de l'une d'entre elles.

C'était une filiale Danoise , d'une société de Télécommunications Brésilienne qui avait proposé de créer une filiale Française et reprenait, moyennant une forte somme , la totalité des bâtiments de plus de 4000 M2 avec tout le mobilier.

Dans un premier temps, à la surprise générale, la société a été choisie par le tribunal de commerce mais au bout de quelques jours il changea d'avis car les sommes initialement proposées n'ont jamais été versées .

Par contre pendant quelques jours des cadres de cette société sont arrivés dans les locaux de CS Télecoms et ont commencé à vendre et à récupérer les voitures de fonctions, les meubles et les ordinateurs.

 

Finalement, le tribunal de commerce de Nanterre rendit une ordonnance de reprise de CS Télecoms par trois repreneurs qui avaient déposé des offres conjointes, avec parmi elles, la proposition d'ISIS MPP.

Je me souviens que le journal Le Monde avait titré, le lendemain : CS Télécom repris dans des conditions rocambolesques.

 

Par contre pour ISIS, cette acquisition fut un réelle opportunité qui devint une success story .

L'arrivée de Jean Gyuran et de son équipe donna un coup de jeune à l'établissement de Champlan et accentua son caractère industriel .

A côté des activités traditionnelles de développement de logiciel de test et de réparation des centraux téléphoniques il y avait maintenant un département qui développait et maintenait des équipements pour le secteur des télécoms.

Bruno Langlois , Aymeric Bessiere , l'adjoint de Micheline Fontaine et la majorité du personnel étaient ravis. Il n'y avait plus de rivalités entre les secteurs sud et nord .

Le site était devenu rentable , le personnel était heureux et regardait l'avenir avec sérénité .

 

Il fallait bien sûr que les commerciaux retrouvent tous les mois de nouveaux clients et de nouveaux projets mais ISIS MPP avait acquis une belle notoriété et je n'avais plus de problèmes avec mon actionnaire....

Nous étions en Septembre 2001 ….

 

 

11 septembre 2001, l'attentat contre le World Trade Center à New-York.

Qui ne se souvient de l'instant et de l'endroit où il se trouvait lorsqu'il apprit la nouvelle.

Pour ma part, j'étais à Champlan et j'animais la réunion hebdomadaire avec les cadres du secteur nord.

La nouvelle stupéfiante nous est parvenue à un moment particulièrement agréable de ma vie professionnelle et familiale.

Côté familial, je me souviens que le week-end précédent, nous étions en ballade près du cirque de Gavarnie.

Nous avions couché au refuge de la Brèche de Roland et le lendemain avec Rémi et nos amis les Soulcié , nous avions fait l’ascension du mont Perdu.

Le matin du 11 septembre j'avais pris la navette Toulouse Orly de 7 h 40 et comme tous les mardi, Alain Pourteau était venu me chercher à l'Aéroport. Il faisait beau.

Et tout à coup en pleine réunion, la nouvelle.

La journée fut particulièrement pénible . Les informations arrivaient au goutte à goutte et on imaginait qu'il s'agissait d'un conflit planétaire et qu'un autre avion allait probablement être la prochaine cible et pourquoi pas en France.

Je n'ai jamais été d'un naturel angoissé mais je ne pouvais pas m’empêcher de penser qu'il faudrait que je rentre le soir même à Toulouse par la navette de 19 h 30 .

D'autant plus que cette semaine là, comme très souvent à cette période, j'avais planifié quelques voyages en avion.

Le jeudi, je devais me rendre à Nantes et je revenais le vendredi à Paris.

Je dois reconnaître que j'ai été assez rassuré quand ce 11 septembre, la navette s'est posée sur le tarmac de Blagnac.

 

Mais ce n'était pas la fin des événements extraordinaires de ce mois de septembre 2001.

 

Dix jours plus tard, le 21 septembre, j'avais organisé sur notre site de Toulouse, une réunion exceptionnelle des cadres de l'entreprise.

J'avais convié à cette réunion pour la première fois Jack Swift qui depuis le 15 mars était le responsable de notre agence de Cannes et Denis Stevant le directeur de Technitest qui était devenue l'agence de Nantes d'ISIS, quelques mois auparavant.

Et comme nous étions en négociations pour la reprise de CS Télécoms, j'avais invité Jean Gyuran pour qu'il rencontre directement tous les cadres de l'entreprise et que cela lui donne envie de rejoindre notre groupe.

 

C'est ainsi que tous les cadres d'ISIS se trouvaient réunis pour la première fois dans un même lieu, le site de Thibaud à Toulouse, lui même situé à quatre kilomètres du site d'AZF qui explosa ce jour là vers 10 heures du matin.

Cette explosion a été suffisamment commentée dans les média. Je veux simplement rajouté quelques détails personnels.

Mon gendre, Christophe Bezard, revenait ce jour là d'un cours à l'université Paul Sabatier . Il rentrait chez lui par la rocade et avait traversé le pont qui jouxte le site AZF, quelques minutes après l'explosion. Il en parle encore aujourd'hui avec une extrême émotion.

Vision des voitures détruites, des immeubles dévastés, des vitres brisées, des gens en sang, et d'un embouteillage inimaginable sur la rocade et les rues adjacentes.

 

Chez ISIS le choc, puis le bruit sourd nous surprit et nous alarma immédiatement.

Le plafond d'une partie l’accueil fut énormément endommagés mais il n'y eut aucun blessé . Le plafond de mon bureau s'est aussi effondré mais fort heureusement, je me trouvais avec tous les cadres dans la salle de réunion qui bien qu'étant à quelques mètres de mon bureau ne fut pas endommagée.

Excepté dans mon bureau et dans le hall d'entrée il n'y eut pas énormément de dégradations dans l'établissement.

Patrick Dupleix me raconta un peu plus tard qu'il avait été soulevé de sa chaise au moment de l'explosion. Quand on le voit avec sa stature de deuxième ligne de rugby on a une idée de la violence du souffle qui a traversé le bâtiment.

Nous avons une explication au faible effet de la déflagration sur notre établissement.

Quelques mois auparavant, nous avions été obligé de construire un nouveau bâtiment sur le site de Thibaud, pour installer les équipes de Thomson.

Au cours de la construction, le personnel s'était plaint au près du comité hygiène et sécurité des nuisances sonores car le bâtiment jouxtait la nationale.

Pour y remédier, Philippe Lambert, le responsable de la logistique me proposa de faire un mur anti bruit avec la terre du chantier .

C'est probablement ce mur qui a dévié le souffle et qui nous a évité un drame.

Dès la déflagration, on a tous pensé à l'attentat du World Trade Center . Certains pensaient qu'il avait eu lieu dans les locaux d'AIRBUS , d'autres dans un super marché, d'autre à l'université Paul Sabatier , de l'autre coté de Toulouse.

J'ai comme tout le monde , utilisé mon portable pour entrer en contact avec Marie-Claire et la famille ce qui m'a rassuré .

Au bout d'un certain temps, on apprit que c'était l'usine AZF qui avait explosé.

J'ai immédiatement pensé à un attentat et au phosgène.

J'explique.

Comme tous les vieux toulousains, j'avais toujours entendu parler de l'usine de Phosgène, qui fabriquait ce gaz pour les besoins des lanceurs d'Ariane Espace.

Une rumeur circulait à Toulouse .

Selon cette rumeur, le phosgène traversait la Garonne sous le pont d'Empalot et , à l'occasion d' une crue, le tuyau pourrait céder et le gaz  se propagerait dans la nature .

Il y aurait , disait-on, suffisamment de gaz pour anéantir la population toulousaine .

Sans trop y croire, je me souviens que lorsque l'on avait déménagé ISIS de Blagnac vers la zone de Thibaud, je m'étais inquiété de la proximité entre notre nouvel établissement et l'usine AZF .

J'avais contacté à ce sujet une ancienne amie du lycée Raymond Naves, Nicole Maire qui était responsable de la sécurité industrielle à la mairie de Toulouse.

A l'époque, elle m'avait rassuré mais en ce 21 septembre, j'ai imaginé un instant un scenario digne d'un film d'épouvante.

Par suite de l'explosion de l'usine AZF déclenchée par des terroristes, le gaz phosgène se répendrait dans Toulouse provoquant une catastrophe bien supérieure à celle de World Trade Center.

J'étais en pleine parano mais je n'en ai parlé à personne .

Dans un premier temps, j'ai autorisé le personnel à rentrer chez lui mais on s'est rapidement aperçu que cela était impossible car il y avait un tel embouteillage au tour de nous qu'il était impossible de circuler.

J'ai alors décidé de regrouper tout le personnel dans le grand atelier et de calfeutrer toutes les ouvertures .

Nous avons attendu ainsi une partie de la journée sans beaucoup d'informations mais dans la bonne humeur.

Passé, le premier moment d'inquiétude, le personnel qui était relativement jeune s'est plutôt amusé de la situation .

On ne pouvait pas sortir de notre établissement car les rues étaient bloquées par les automobilistes qui voulaient rentrer chez eux et par toutes les voitures qui étaient abndonnées au milieu des rues.

La circulation n'est redevenue normale qu'en fin d'après midi et nous sommes tous rentrés tranquillement chez nous.

 

 

 

 

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