Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Souvenirs henri
18 mars 2014

L'ATEC

 

En juin 1976 je rejoins le département 39 .

Ce département qui était rattaché à la division production avions de l'Aérospatiale était situé dans l'usine de Saint Martin du Touch.

Il était constitué d'environ 200 personnes et était géré comme une PME .

On y développait et on y produisait des bancs de tests d'équipements avioniques pour tous les avions civils et militaires que l'on appelait des bancs ATEC ;

ATEC était au début l'acronyme d' Automatic Test Equipments for Concorde car les testeurs avaient été développés pour le Concorde.

Ces testeurs servaient à automatiser la maintenance et la validation des équipements avioniques embarqués à bord des avions.

 

Petits rappels sur la maintenance des équipements ….(pour les spécialistes) :

 

Un avion comporte un certain nombre d'équipements électroniques comme par exemple sur l'Airbus les systèmes de pilotage latéral, longitudinal et lacet, les systèmes de navigation, le contrôle de l'auto-manette, le système de freinage, les systèmes de surveillance, etc...

Avant chaque vol, le pilote fait une check-list (vérification).

S'il détecte une défaillance sur un équipement , celui-ci est remplacé puis envoyé chez l'équipementier qui l'a conçu pour réparation .

A son retour l'équipement n'est installé sur un avion qu'après un test de toutes ses fonctions.

Pour cela , un technicien applique une procédure particulière.

Il envoie sur les prises de tests des stimuli électriques , comme par exemple des tensions d'alimentations, des signaux analogiques ou numériques .

Puis il effectue des mesures sur d'autres points de test à l'aide de multimètre ou de fréquencemètre, et il compare la mesure effectuée avec la mesure idéale .

Avant Concorde, tout ces tests étaient réalisés par des techniciens en suivant des procédures manuelles.

C'est l'Aérospatiale qui bien avant les américains a décidé d'automatiser ces mesures.

Automatiser, cela veut dire que ces mesures sont pilotés par logiciel, ce qui garantit une bonne répétitivité et une grande fiabilité.

Pour automatiser ces mesures, il faut un banc constitué d'équipements de génération de stimuli, d'équipements de mesures, d'un sytèmes d'aiguillages point à point et d'un système informatique qui pilote le tout.

C'est ce que l'on appelle un système informatique industriel.

 

En 1976, les PC n'existaient pas, pas plus d'ailleurs que les microprocesseurs.

Il n'y avait que deux types de calculateurs industriels, un aux USA développé par la société Hewlett Packard et un Français par la CII .

Les appareils de laboratoire n'étaient généralement pas programmables.

A mes débuts à l'Atec, mon travail consistait à modifier les équipements standards du commerce pour les rendre programmables.

Puis par la suite j'ai développé des bancs complets.

Je me souviens qu'un de mes principaux projets avait été de navaliser des bancs de test qui devaient être installés sur les porte-avions Foch et Clemenceau pour assurer la maintenance des avions de l'aéronavale, essentiellement des Super Étendards de Dassault aviation.

 

J'appartenais au service études électroniques de ce département.

Il y avait aussi un service études logiciels, un service mécanique, un service production, un service achat et livraison, un service commercial, un service maintenance et un service de production logiciels.

Seuls les services administratifs, DRH et financiers étaient regroupés avec les autres départements de l'Aérospatiale.

Ce qui était vraiment nouveau pour moi était le fait que , contrairement à mes activités antérieures, j'avais des contacts directs avec les clients et les fournisseurs.

Et surtout que je pouvais, à moi seul, appréhender la totalité des systèmes étudiés, contrairement aux études aéronautiques où un ingénieur n'est spécialiste après des années que de quelques systèmes.

Le travail quotidien était aussi très concret et très pratique.

Cela me changeait des activités de recherche très théoriques au LAAS et des calculs mathématiques complexes du bureau d'études de l'Aérospatiale.

Je voyais rapidement se concrétiser le résultat de mes études et même si cela ne fonctionnait pas toujours très bien, c'était très gratifiant.

Pour la première fois de ma carrière professionnelle, je prenais l'avion, j'utilisais des voitures de location, je rencontrais des clients dans la France entière.

Je pouvais téléphoner à des clients dans le monde entier,directement de mon bureau , ce qui était exceptionnel à cette époque..

Je pilotais des équipes techniques et je prenais des décisions sans obligatoirement en référer à ma hiérarchie.

J'avais une grande autonomie dans mon travail quotidien et je prenais plaisir à mettre en pratique mes enseignements universitaires.

J'ai aussi beaucoup appris au contact des ouvriers et des techniciens.

On avait tous à peu près le même âge et il n'y avait, contrairement à mon ancien emploi, pratiquement pas de relations hiérarchiques entre nous.

On faisait du sport ensemble , football , footing, ski, tennis.

Les seules contraintes dans le travail provenaient de nos clients mais on ne se posait jamais de questions au sujet du coût de nos études.

Chaque fois que l'Aérospatiale ou Dassault vendait un avion on nous commandait un banc ATEC pour assurer sa maintenance. On n'avait pas de concurrents.

Le travail quotidien était parfois difficile . On passait beaucoup de temps au bureau mais toujours dans la joie et pratiquement sans stress.

J'étudiais des systèmes électroniques qui étaient envoyés aux services de production (Dessin industriels, achats des composants, câblage électrique, magasin) , puis je coordonnais la mise au point jusqu'à la recette usine et à la livraison chez les clients.

Le travail était très agréable car les études étaient toutes différentes et nous n'étions pas stressés par la tenue des délais.

Je me souviens d'un déplacement chez Elecma qui était alors une filiale électronique de la Snecma , aujourd'hui Safran.

Je devais rencontrer des ingénieurs qui devaient me fournir des spécifications pour simuler une partie d'un moteur.

La réunion devait se dérouler à Melun dans la région parisienne. Mon responsable m'avait proposé d'y aller tout seul . J'étais à la fois fier et inquiet.

C'était la première fois que je prenais seul un avion d'affaire et une voiture de location.

Tout c'est bien passé jusqu'à l'arrivée Orly mais après cela s'est légèrement gaté.

J'avais rendez-vous à 10 heures et je ne connaissais pas exactement l'adresse.

En bon toulousain je pensais qu'en regardant les panneaux routiers je pourrais me diriger sans problème jusqu'à l'entrée de l'usine.

J'ai découvert rapidement que la banlieue parisienne était plus grande que je ne l'imaginais et que, comme disait un personnage de Marius , la pièce de théatre de Marcel Pagnol : « à Paris, il y a au moins cinquante Cannebière ».

Finalement, je suis arrivé devant l'usine avec 4 heures de retard et en plus comme je n'avais pas pris la précaution de confirmer mon rendez-vous la veille, personne ne m'attendait.

Cela m'a servit de leçon pour le restant de ma carrière professionnelle.

 

De cette époque, je me souviens surtout des blagues que l'on se faisait entre nous au travail.

En particulier avec le téléphone.

Un jour quelqu’un avait mis du camembert à l'intérieur de mon combiné téléphonique et pendant plusieurs jours j'ai senti une odeur de plus en plus nauséabonde chaque fois que je téléphonais.

Un autre jeu consistait à barbouiller le combiné du téléphone avec de la peinture et à s'amuser à voir la victime se promener toute la journée avec la figure colorée.

Toujours avec cette peinture, on pratiquait un autre jeu le matin à l'arrivée des collègues.

L'un d'entre nous s'enduisait la main avec de la peinture puis il attendait un certain temps qu'elle arrive à la température du corps pour que la personne à qui l'on serrait la main ne la détecte pas.

Tous les matins en arrivant on se serrait la main en passant d'un bureau à l'autre jusqu'au bureau du grand chef, au bout du couloir.

Alors, après s'être barbouillé la main, le jeu consistait à serrer la main du premier collègue qui arrivait au début du couloir et avec un peu de chance, celui-ci barbouillait toutes les mains des autres collègues en passant d'un bureau à l'autre et même parfois on piégeait aussi le grand chef.

 

Un autre gag qui avait beaucoup de succès consistait à téléphoner à la conjointe de l'un d'entre nous en lui faisant croire que nous étions un employé des services des télécommunications.

Il fallait être très persuasif pour lui expliquer que le système central était en train de brûler, que la panne était dû à un disfonctionnement de son téléphone, qu'on lui envoyait en urgence une équipe de dépannage et qu' elle devrait payer une somme très importante pour réparer les dégats.

Cette somme augmentait considérablement à chaque seconde.

En attendant l'équipe de secours, il fallait impérativement stopper la propagation de la panne .

Il proposait finalement à l'épouse qui était très affolée de prendre une paire de ciseaux et de couper le fil du téléphone.

Et généralement le gag fonctionnait,

On hurlait tous de rire en entendant la conversation téléphonique s'interrompre , remplacée par le fameux bip bip.

L'initiateur de toutes ces blagues c'était Jean Puyreigner, le responsable de l'aménagement des salons professionnels et des outils de communication au sein du service commercial.

Il détonnait dans notre milieu d'ingénieurs par son profil artiste et passait son temps à chercher de nouvelles farces.

Il nous a tous piégé plus d'une fois.

Or un soir, comme il nous avait invité chez lui pour fêter son anniversaire, on en a profité pour le piéger à son tour.

On s'est tous concerté pour lui faire le même cadeau.

Chacun d'entre nous est arrivé accompagné d'un canard vivant que l'on promenait au bout d'une laisse.

Ils étaient tous déguisés avec des petits chapeaux et des foulards.

Lorsque le premier convive est arrivé chez eux, ils ont trouvé le cadeau très amusant et très original.

Mais au fur et à mesure des arrivées, ils ont commencé à s'inquiéter d'autant plus qu'ils habitaient un petit appartement à Saint Martin du Touch.

A la fin de la soirée, leur cuisine était envahie par une multitude de canards qui faisait un bruit incroyable et dégageait une odeur de basse-cour épouvantable.

Ils nous ont avoué le lendemain qu'ils ont eu du mal à s'endormir et qu'ils ont eu quelques problêmes avec leurs voisins..

 

Parmi mes collègues de travail, il y avait un ingénieur particulièrement farfelu.

C'était lui qui était le plus souvent la cible de nos blagues.

On m'avait raconté que, lors de sa visite d'embauche, il s'était présenté en survêtement.

Le chef de service avait estimé qu'un ingénieur qui se présente pour la première fois dans cette tenue devait être un super candidat. Et bien non, il était toujours comme ça.

Lors d'un voyage professionnel, de nuit en train, en entrant dans sa cabine , il découvre un pantalon bien plié sur sa couchette.

Il suppose que c'est un pantalon de pyjama prété par la SNCF. Il l'enfile et se couche.

Au milieu de la nuit, il est réveillé par un grand bruit. Le militaire installé dans la couchette située au dessous de lui, sur le point de quitter le train , s’aperçoit qu'on lui a dérobé son pantalon.

Gros émois, appel du receveur, tout le monde cherche le pantalon, même lui.

Il se recouche et ce n'est que le lendemain lorsqu'il remet le pantalon au receveur qu'il prend conscience de sa bourde.

Il n'était pas du tout gêné,c'est d'ailleurs lui qui nous a raconté cette aventure à son retour.

Un autre jour , comme il cherchait à louer une villa et que je savais que mon ami Marceau quittait la sienne car il venait de faire construire, je les ai mis en contact.

Ils ne s'était jamais rencontré.

Donc un soir, il arrive avec sa femme chez Marceau et Françoise. Ils visitent la maison et la trouve à leur goût.

Pendant que Françoise leur offre l’apéritif, Marceau leur annonce qu'ils doivent rendre les clés fin août.

Notre ingénieur est très chagriné car eux quittent leur appartement fin juin .

Alors il fait à Marceau et à Françoise la proposition suivante :

«  On n'a qu'à s'installer chez vous pendant deux mois, on vous paiera la moitié du loyer. »

Françoise et Marceau en sont restés sans voix.

Ils ont cru que je le leur avais envoyé ce couple de farfelu pour leur faire une blague mais non, ils étaient comme ça.

 

Au bout de quatre ans, je commençais à trouver que mon travail devenait un peu répétitif.

Je rêvais de voyages lointains en suivant nos bancs qui étaient livrés dans le monde entier mais je ne participais jamais aux livraisons.

J'ai essayé de me faire embaucher comme ingénieur commercial mais j'ai été refusé car je ne parlais pas assez bien anglais.

 

J'ai eu envie de changer d'activités.

C'est ainsi qu'après avoir lu dans la dépêche que la société Matra Espace transférait une grosse partie de son usine de Velizy à Toulouse pour développer un nouveau satellite d'observation de la terre , SPOT 1 et qu'elle recherchait de nombreux ingénieurs avec une certaine expérience en aéronautique, je décidais de poser ma candidature .

J''ai été embauché tout de suite et, pour la première fois sans piston.

Heureuse époque où l'on se faisait embaucher en quelques jours en envoyant un seul CV !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Souvenirs henri
Publicité
Archives
Publicité