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Souvenirs henri
24 août 2015

Croissance organique

 

A partir de 1994 la situation de la société s'est nettement améliorée.

En économie on appelle cela de la croissance organique.

Le chiffre d'affaires d'Isis a dépassé 30MF ( 4,5M€ ), soit environ 20% de plus que lorsqu'elle était dirigée par Alain Monier et par Didier Bernadet.

Isis était devenue une des plus performantes filiales du groupe Technicatome . J'étais d'autant plus fier de ces résultats que presque toutes les filiales étaient dirigées par des cadres avec des diplômes supérieurs au mien.

Le groupe Technicatome était lui même une filiale d'un conglomérat de l'industrie nucléaire civile et militaire composé du Commissariat à l'énergie atomique (65%), du constructeur des centrales nucléaires civiles Framatome et d'EDF.

Le groupe Technicatome était lui-même actionnaire de 9 filiales :

 

Cita située dans la région toulousaine et détenue à 100%, développait des automates de mesure d'oxygène, de sodium et de chlorure. pour les industries de la Défense, de l’énergie et de la pétrochimie.

 

Ceis située dans la région toulousaine et détenue à 51% développait des équipements électroniques pour environnements sévères comme par exemple les contrôle commandes des chaudières des sous-marins nucléaires et les balises Argos pour la surveillance des navires par satellite.

 

Principia située dans la région PACA et détenue à 45% était une société d'études spécialisée dans l'hydrodynamique, le génie océanique, la mécanique des fluides et l'acoustique. Elle avait par exemple étudié les profils des carènes de voiliers pour la coupe america.

 

S'TELL diagnostic située dans la région PACA et détenue à 66% était le leader de la maintenance conditionnelle et développait des instruments de traitement du signal et d'analyse vibratoire appliqués aux réacteurs des sous-marins nucléaires.

 

Technoplus industries située dans la région PACA et détenue à 100% était une société de mécanique de grande précision et de mécano soudure pour les marchés Défense et nucléaires.

 

SNE la calhene située dans la région parisienne et détenue à 100% était spécialisée dans la télémanipulation et le confinement dans les milieux hostiles présentant un réel danger pour la santé et la sécurité de l'homme dans les domaines nucléaires et pharmaceutiques.

 

Cybernetix située dans la région PACA et détenue à 34% spécialiste de robotique en milieux difficiles , fabriquait des robots pour détecter les mines anti-personnels et des robots sous-marins.

 

Cogifer signalisations située dans la région parisienne et détenue à 34% était spécialiste du contrôle ferroviaire et des équipements embarqués à bord des trains.

 

Et enfin notre société, Isis , détenue à 66% qui était une société spécialisée dans le test électrique de cartes, d'équipements et de sous-systèmes pour la Défense , l'aéronautique et le spatial.

 

 

Chaque mois, les directeurs de filiales se retrouvaient dans les locaux de Technicatome à Aix en Provence et présentaient leurs résultats et leurs prévisions à un comité stratégique piloté par le nouveau PDG de Technicatome, Yannick Le Corre , un polytechnicien .

 

Au cours de ces réunions j'ai vu défilé un grand nombre de directeurs qui expliquaient que les résultats de leur filiale n'étaient pas bon cette année là mais que l'année prochaine serait meilleure voire exceptionnelle.

Mais si au bout de 2 ans il n'y avait pas eu d'amélioration , ils étaient licenciés et remplacés par un nouveau directeur général qui souvent présentait la même stratégie..

Heureusement pour moi j'ai toujours eu des résultats meilleurs que la moyenne des autres filiales et je n'ai pas été inquiété.

Mais j'ai appris ainsi qu'un Directeur général se trouve en permanence sur un siège éjectable et surtout qu'il ne touche pas d' indemnités en cas de licenciement.

Alors pour me protéger , micheline Fontaine me proposa de prendre une assurance contre le licenciement.

Avec ce contrat j'avais le choix entre deux options. En cas de licenciement, je pouvais, soit conserver mon salaire pendant deux ans , soit pendant un an.

Avec cette seconde option j'avais la possibilité de toucher un capital au bout de quelques années si je n'avais pas été licencié.

Comme j'ai toujours été optimiste j'ai choisi la seconde option.

Par la suite, je me suis aperçu que la plus part des directeurs licenciés n'avaient pas retrouvé de travail équivalent à leur ancien poste au bout de deux ans .

 

Je découvrais les joies d'être le directeur général d'une société rentable et en croissance.

Je pouvais sur ma seule décision proposer de nouveaux investissements, recruter des techniciens, des ingénieurs, des commerciaux et essayer de pénétrer de nouveaux marchés, à Toulouse, dans la région parisienne et je l'espérais dans la région Paca grâce à Technicatome.

Quel bonheur que de d'écouter les propositions de ses collaborateurs et de pouvoir dire oui ou non sans en référer à qui que ce soit.

Mon travail était relativement simple car Isis ne produisait pratiquement que des heures d'ingénieurs ou de techniciens avec très peu de matière. Il suffisait d'embaucher les bonnes compétences et de les proposer à un prix qui tenait compte du salaire et des charges que me calculait judicieusement Micheline Fontaine.

Comme j'avais sur Toulouse un bon réseau relationnel je ne me suis pas souvent trompé sur le niveau de compétence des nouveaux embauchés et Bruno Langlois a été lui aussi très efficace sur Paris.

 

Il y eut , cette année là ,quelques changements sur le plan financier et logistique.

Avant mon arrivée, Didier Bernadet ayant besoin de liquidités pour son groupe avait obtenu un prêt sous la forme d'obligations convertibles en actions d'Isis.

Si l'échéance de ces obligations était survenu en 1993 alors que la société était dans un état catastrophique il aurait fallu rembourser ce prêt et la société aurait probablement été obligée de déposer son bilan.

Mais en 1994, comme la société était à nouveau rentable et en croissance , les banques ont préféré proposer de convertir la dette en actions d'Isis ce que Technicatome refusa , préférant augmenter sa participation au capital.

Elle en profita pour racheter les parts d'Isis détenues par Cisi et ainsi devenir propriétaire à 100%.

Pour moi cela ne changeait pas grand chose sauf que maintenant Technicatome détenait trois sociétés à 100% sur Toulouse, à savoir Ceis, Cita et Isis et que certains cadres envisgeaient de les fusionner, ce qui devenait une menace pour la suite de ma carrière.

Mais en attendant, le résultat fut qu'avec cette dette en moins, la trésorerie de la société s'est améliorée, ce qui me donnait des possibilités nouvelles d'investissements.

Et surtout j'ai pu augmenter les salaires du personnel.

Au moment de la crise de 1993 , j'avais supprimé les primes et les augmentations individuelles mais avec le retour de la croissance , quel bonheur de pouvoir récompenser les personnes qui m'avaient fait confiance sans trop se plaindre dans les moments difficiles. Ceux qui pensent qu'un patron ne pense qu'à limiter les salaires de ses collaborateurs n'ont jamais connus ces joies.

Deux fois par an, je revoyais avec mes cadres les salaires et les carrières de tout le personnel et ça a toujours été pour moi un moment agréable.

 

Coté logistique il y eut cette année là deux changements importants.

Premièrement, nous avons déménagé les équipes informatiques et électroniques de Michel Hollinger et Sylviane Pibrac près de Matra espace.

Cela avait plusieurs avantages, tout d'abord le principal client de ces deux services était justement Matra qui était ravi d'avoir un de ses sous-traitants à proximité de ses bureaux .

Jusqu'alors les sous-traitants étaient logés chez le client , dans des bureaux proches de leurs donneurs d'ordres mais de nouvelles directives nous obligeaient à travailler dans nos propre locaux ce qui ne facilitaient pas les travaux en équipes. Être à proximité de ses clients devenait un avantage concurrenciel.

En suite Micheline Fontaine avait pu négocier un loyer pour ce bâtiment nettement plus avantageux que l'ancien loyer qui avait été réalisé au profit de Ceis.

Enfin les personnels détachés dans ces bâtiments étaient satisfaits car ils habitaient pour la plus part de ce coté de Toulouse.

 

Puis le reste de la société a déménagé de Blagnac vers Toulouse, zone Thibaud.

Ceis espace avait acheté dix ans auparavant un bâtiment Zone Thibaud en leasing.

Mais en 1994, suite à ses problèmes financiers et à ses réductions d' effectifs, le bâtiment de Thibaud était devenu trop important et pour réduire son loyer, Technicatome nous proposa de le reprendre.

Nous fumes d'accord à la condition de ne payer que le montant restant du leasing .

Nous sommes ainsi devenu propriétaire du bâtiment avec un remboursement de dette inférieur au loyer de Blagnac.

Là aussi , ce fut financièrement une excellente affaire pour nous car le loyer de Blagnac était très important et le bâtiment était vétuste.

Ce fut aussi une bonne opération pour le personnel qui fut installé dans un bâtiment remis à neuf et qui surtout eut l’impression qu'Isis n'était plus la vache à lait de Ceis car une crainte du personnel était qu'un jour Isis soit fusionnée avec Ceis. Le fait de s'éloigner de Blagnac, donc de Ceis fut finalement très apprécié.

 

Coté affaires, le développement des activités de notre société a été paradoxalement facilité par la crise qui avait atteint la France cette année là.

Nos deux principaux clients Airbus et Matra étaient particulièrement touchés par les restrictions des budgets de Défense. Ils recherchaient des sous-traitants capables de réduire les coûts .

Avec Airbus, comme nos problèmes de 1993 nous avait amené à réduire nos charges et à bloquer les augmentations de salaires, nous sommes automatiquement devenus plus compétitifs que nos concurrents directs SEO et Latécoère.

 

Chez Matra , pour l'intégration des satellites en salle blanche, les acheteurs ont apprécié ma nouvelle stratégie de réduction des coûts.

Elle consistait à remplacer les ingénieurs informaticiens aux salaires élevés de nos concurrents par des techniciens de test d'Isis formés chez Airbus.

J'avais aussi un autre avantage par rapport à mes concurrents directs car, après dix ans passé à l'intérieur de Matra, je connaissais mieux les besoins spécifiques de mes anciens collègues .

 

Enfin, la société Giat industries qui , sur Toulouse, avait en charge l'électronique du Char Leclerc et qui elle aussi devait réduire ses coûts de développement, me proposa de travailler directement avec elle sans passer par l'intermédiaire du département électronique d'Airbus .

 

Avec ces trois gros clients sur Toulouse la rentabilité de la société s'est fortement améliorée.

 

Comme Technicatome ne prélevait pas de dividende et qu'on me demandait seulement de rentabiliser la société et d'augmenter le chiffre d'affaires , j'ai estimé que le moment était choisi pour embaucher un commercial.

Dans un premier temps j'ai chercher un débutant.

 

C'est à ce moment que Thomas Sala, un ingénieur de Technicatome me proposa de rencontrer Georges Escola.

Je n'ai jamais su s'ils se connaissaient depuis longtemps mais Thomas était Andorran et Georges était né à Barcelone.

Ils étaient tous les deux catalans d’où une solidarité évidente entre eux.

Georges approchait la cinquantaine. Il avait eu un parcours familial et professionnel particulier.

Il m'a raconté qu'avec son père, à la fin de la guerre d'Espagne, ils avaient été internés dans un camp de réfugiés espagnols près de Perpignan.

Pendant une dizaine d'années il avait fait une carrière de musicien professionnel. Il était guitariste et avait accompagné avec un orchestre célèbre toutes les vedettes des années 60 sur toutes les routes de France.

Il aurait pu faire une brillante carrière professionnelle mais un jour, comme il me l' a raconté plus tard, pour ne pas être impliqué dans des problèmes de drogue, il a estimé qu'il était temps pour lui de changer de voie.

Il a suivi les cours du CNAM et est devenu informaticien dans une SSII je crois que c'était CESA.

Il a grimpé tous les échelons pour finir Directeur de Région tout d'abord en France puis en Espagne.

Lorsque CESA a été fusionné avec CAP Gémini, il a quitté le groupe et créé sa propre société pour développer le système informatique de billetterie des jeux olympiques de Barcelone.

Son affaire a très bien fonctionné et était très rentable mais à la fin des jeux , faute de clients, il n'a pas pu continuer à développer son entreprise.

Il s'est retrouvé avec quelques dettes et sans emploi et c'est à ce moment que Thomas Sala me l'a recommandé.

Il était spécialiste d'informatique de gestion et de systèmes sécuritaires, disciplines très éloignés des compétences de notre société mais surtout il demandait un salaire que je n'avais aucune chance de rentabiliser à court terme.

Comme il était dans une situation délicate, je lui ai proposé de le prendre à l'essai pendant quelques mois à temps partiel et si on arrivait à rentabiliser son poste je l'embaucherais .

Je lui proposais de développer le compte Matra Toulouse puis le Compte Technicatome et ses filiales dans la région Paca. Il accepta.

Au début, il utilisa mes contacts chez Matra mais très rapidement il se constitua son propre réseau .

Au bout de quelques semaines il est devenu indispensable au développement de la société , ses qualités d'écoute et d'empathie avec les clients firent merveille .

Dans la foulée, je l'ai embauché à temps plein malgré les remarques de quelques uns de mes cadres et je ne l'ai jamais regretté .

Si le compte Matra s'est développé assez rapidement, il n'en a pas été de même avec Technicatome et ses filiales.

Les filiales étaient très peu rentables et ne nous proposaient que des projets déficitaires . L'éloignement géographique ne favorisait pas non plus l'efficacité de nos prestations.

Je me souviens particulièrement d'un logiciel que l'équipe de Sylviane Pibrac avait du totalement réécrire.

Il s'agissait d'un programme de télésurveillance de barrages hydro-électriques en montagne pour la filiale S'TELL

Résultat on avait perdu beaucoup d'argent sur ce projet et on était aussi passé pour des incompétents aux yeux des cadres de Technicatome .

De ce fait j'avais peu envie de travailler sur des projets proposés par les filialesdu groupe.

 

Mais un jour lors d'une réunion mensuelle, Yannick Le Corre, le président de Technicatome s’aperçut qu'Isis qui était une des filiales les plus performantes de son groupe ne travaillait jamais avec celui-ci.

Il me demanda de me coordonner avec Max Gaubert , le responsable des activités électroniques pour trouver une activité qui pourrait éventuellement nous être sous-traitée.

Technicatome, comme toutes les sociétés d’ingénierie utilisait un nombre conséquent d'ordinateurs reliés en réseaux et sous-traitait l'installation et la maintenance de ce système informatique à une dizaine de petits sous-traitants qui chacun employait un ou deux analystes programmeurs en assistance technique sur le site d'Aix.

Je proposais de remplacer toutes ces sociétés par une société unique, Isis, ce qui réduirait les frais généraux de Technicatome et créerait une nouvelle activité pérenne pour nous.

J'ai commencé par embaucher Michel Bonilla, un sympathique informaticien marseillais qui travaillait déjà en assistance technique pour Technicatome et je lui ai confié le poste de chef de la future agence Isis d'Aix en Provence.

Il serait assisté pour la partie commerciale par Georges Escola .

Au début , les services de Technicatome qui étaient habitués à gérer de façon autonome leur propre service de maintenance informatique n'ont pas apprécié d'être supplantés par une filiale dont le directeur rendait des comptes uniquement à leur Président.

Mais finalement le binôme Escola Bonilla a bien fonctionné et, au bout de quelques années, l'agence d'Aix comptait une vingtaine d'informaticiens et était une des activités les plus rentables d'Isis.

 

Tout n'a pas été toujours aussi rose au cours de cette année 94.

Avec la crise j'ai été confronté à de nombreux problèmes humains.

 

Je me souviens qu'un soir , j'ai reçu dans mon bureau un ancien directeur de société au chômage.

Il avait pratiquement mon âge et une plus grosse expérience professionnelle.

Comme je lui expliquais que je ne pouvais pas l'embaucher, il s'est effondré en pleurs et m'a même proposé de l'utiliser comme balayeur.

 

Un autre jour, je reçu un acheteur de Dassault aviation qui voulait que je l'aide à résoudre un problème délicat.

Dassault avait fait réalisé un équipement pour tester et étalonner en bout de piste le système de freinage et de vérification des gouvernes des avions Falcon par une petite société .

Cette société venait d'être liquidé, certains outillages nécéssaires à la validation de l'équipement Dassault vendus aux enchères et les deux hommes clés, le chef d'entreprise et un informaticien étaient au chômage.

Dassault devait utiliser ce testeur une dernière fois et avait besoin des compétences de ces deux ingénieurs pendant trois mois.

Ils m'ont proposé de me payer cette prestation. J'ai accepté . J'ai embauché les deux ingénieurs et la mission s'est bien déroulée, mais c'est après coup que cela s'est gâté.

 

Avec l'ingénieur informaticien je n'ai eu aucun problème, je l'ai gardé dans mes effectifs où il a fait une excellente carrière.

Mais pour l'ancien chef d'entreprise ce fut dramatique.

A côté de son projet pour Dassault, il avait développé pour un grand donneur d'ordre de la chimie, un système qui détectait des imperfections sur une chaîne de fabrication de fils plastiques.

Le client qui l'avait obligé à investir sur ce projet avait subitement changé d'avis et n'avait jamais voulu financer les dépenses engagées par la petite PME.

Résultat, il se retrouvait avec une dette de 4 MF et fut obligé de liquider sa société avec interdiction d'en créer une autre .

Le tribunal de commerce décida qu'il devait rembourser cette dette sur ses biens personnels.

Comme, il avait été chef d'entreprise, il ne bénéficiait pas d'indemnités de chômage et comme il avait divorcé quelques mois auparavant il se trouvait sans domicile et couchait dans sa voiture.

Je l'embauchais en qualité de salarié, pensant régler ses problèmes mais dès sa première paye les banques lui firent une saisie sur salaire.

Au bout de quelques mois il me signifia que comme cette situation était pour lui insupportable, il envisageait de s'expatrier en Australie pour créer une nouvelle société mais, toujours à cause de sa dette, il n'eut pas le droit de quitter la France.

Finalement, il a démissionné d'Isis et à totalement disparu.

J'ai entendu dire mais je n'en suis pas sûr qu'il travaillerait au noir en tant que jardinier.

 

 

 

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