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Souvenirs henri
18 novembre 2015

Les bancs Airbus A380

J'ai toujours adoré exercer mon métier de Directeur Général avec son lot quotidien de problèmes à résoudre en urgence.

Des problèmes techniques, commerciaux ou humains.

Mais, parmi toutes mes missions, celle qui m'a le plus passionné a toujours consisté à avec la mission de développer les activités du secteur aéronautique développer la stratégie de l'entreprise.

Comment la développer . Comment éviter sa décroissance. Quels sont mes marchés .

Où en sommes-nous, Comment nous situons-nous par apport à nos concurents.

Où voulons nous aller , sur quels marchés, avec quels moyens.

Que va devenir la société ou tel service .

En ma qualité de DG d'une filiale d'Areva, je devais chaque année présenter le plan stratégique d' ISIS MPP au comité de direction constitué d'une dizaine de cadres dont Robert Saglio mon président , Bruno Schmitt, Hervé Guillou et Alain Bugat, respectivement,directeur financier, directeur général et président de Technicatome.

 

En ce début de l'année 2002, je présentais les résultats et les objectifs de la société .

Coté positif, le résultat net après impôts de l'année 2001 avait doublé, conséquence de l'acquisition du centre de maintenance de Thomson.

Mais notre chiffre d'affaires était resté constant car l'augmentation des activités Thomson était contrebalancée par la baisse des activités bancs de test de Toulouse et des activités de test de cartes de Champlan.

 

Sur le marché des télécommunications Champlan était victime de la décision de France Télécom, aujourd'hui Orange, de réduire la maintenance des centraux téléphoniques filaires.

Mais grâce à la reprise des activités de CS Télécoms, nous allions augmenter fortement nos parts sur ce marché, notamment en Afrique avec la téléphonie rurale et en France avec la maintenance du réseau de télécommunications RUBIS de la gendarmerie nationale.

 

Les études électroniques et informatiques de Michel Hollinger à Toulouse avaient été fortement pénalisées par la crise des Télécommunications qui affectait aussi le secteur spatial.

Heureusement, l'acquisition de la société SR2I de Cannes nous avait apporté une nouvelle notoriété dans le développement des bancs de validation systèmes et des simulateurs qui nous a permis de gagner un très gros contrat pour la simulation des systèmes ferroviaires de la

SNCF , le banc BATIR.

Nous étions très fiers de l'obtention de ce contrat, car nous avions gagné, non pas contre des petites sociétés , ni contre de grosses SSII mais pour la première fois contre le leader français du domaine ferroviaire, la société ALSTOM qui avait d'ailleurs essayé de nous évincer de cet appel d'offres en proclament que nous étions trop faible et trop fragile pour mener à terme un projet d'une telle ampleur.

J'étais personnellement très fier car ce projet justifiait ma stratégie de croissance externe.

Le projet commercial avait était amené et géré par Alain Pourteau mon directeur commercial ancien de MPP Champlan.

Les clients avaient été séduits par notre expérience dans le domaine Spatial grâce aux projets de la société SR2I de Cannes .

Et bien sûr, par la réponse originale des équipes de Michel Hollinger de Toulouse.

 

Nous étions prêt à nous attaquer aux futurs gros projets toulousains liés à l'A380 dont la société AIRBUS venait d'annoncer le démarrage du prototype.

Depuis mon arrivée chez ISIS en juin 1991, j'avais toujours rêvé de développer des moyens d'essais pour la validation des prototypes d'AIRBUS.

Mais, jusqu'à présent, les acheteurs et les cadres techniques d'AIRBUS n'avaient considéré ISIS MPP que comme un petit sous-traitant tout juste capable de développer des logiciels de test spécifiés par son département Test & Services.

Nous avions maintenant , j'en étais sûr une équipe d'ingénieurs autour de Michel Hollinger, capable de rivaliser avec les meilleurs bureaux d'études pour le développement de ces moyens d'essais.

Nous avions au cours de ces dernières années acquis une forte notoriété pour l'étude de moyens similaires dans les domaines Spatial et Ferroviaire .

Mais cela ne suffirait pas pour convaincre les décideurs de l'aéronautique.

Car, si j'ai acquis une certitude au cours de ma carrière professionnelle c'est bien que, quelque soit son domaine industriel , Aéronautique, Spatial, ferroviaire, Automobile, Télécommunications ou Energie, chaque ingénieur est persuadé qu'il n'y a pas de compétences techniques supérieures à celles de son secteur industriel.

 

Les efforts devraient être poussés sur l'amélioration de l'image de notre société dans le secteur aéronautique .

Georges Escola avait une bonne notoriété dans les domaines informatiques et spatial.

Alain Pourteau était surtout reconnu dans le domaine de la Défense.

Seul Dominique Bories venait du milieu aéronautique mais il était trop jeune .

 

Pour améliorer notre image auprès d'Airbus, il nous fallait impérativement trouver un commercial reconnu, capable de convaincre les décideurs aéronautiques de la réalité de nos compétences.

Pour être sûr de trouver le bon candidat, j'allais employer la méthode qui m'avait toujours réussi jusqu'à présent .

J'ai toujours privilégié l'embauche d'un candidat que je connaissais personnellement ou qui m'était recommandé par une personne en qui j'avais totalement confiance.

Pour développer la société sur le marché aéronautique et éventuellement à l'export, il me fallait un commercial senior avec une forte expérience aéronautique, parlant bien anglais et bien sûr avec des prétentions de salaires compatibles avec les possibilités de ma société.

Où trouver cet oiseau rare et existait-il seulement.

 

Par mon copain Marceau Riche qui travaillait dans le département des livraisons d'AIRBUS, je savais que les ingénieurs commerciaux aéronautiques étaient très bien payés, que personne ne voudrait quitter AIRBUS pour rejoindre notre petite société.

Je suis arrivé à la conclusion que je devais chercher un commercial parmi mes anciens collègues lorsque je travaillais au département ATEC de l'Aérospatiale.

J'ai pensé à Alain thibaud qui s'occupait, au sein de Eads Test & Services, de la commercialisation des bancs de maintenance de l'avionique des Airbus pour la région asiatique.

Mais je ne l'avais pas vu depuis que j'avais quitté Airbus pour Matra en 1982.

Comment l'aborder et voudrait-il quitter son poste pour nous rejoindre ?

 

Je l'ai rencontré , par le plus grand des hasards, en prenant de l'essence à la station service de Pibrac sur la route de Colomiers et justement, cette semaine là, il y avait eu une réorganisation de son service et il n'avait pas obtenu le poste qu'il espérait .

Déçu , il venait justement d'envisager de quitter son poste .

Ma proposition lui a tout de suite plu.

Je l'ai embauché rapidement en qualité de directeur commercial du secteur aéronautique et aussi comme il parlait bien anglais, avec la mission de développer nos activités à l'export.

 

Michel Hollinger qui ne s'intéressait qu'aux aspects techniques fut ravis de ma décision.

Georges Escola et Alain Pourteau, les deux autres directeurs commerciaux n'ont pas tout de suite apprécié . Ils auraient préféré que j'embauche un commercial plus jeune.

Mais Alain Thibaud, s'est fait très rapidement apprécié de toute la société par ses qualités de négociateur , son expérience ,son réseau et sa maîtrise de l'anglais.

 

Le deal était maintenant de gagner un projet important chez Airbus.

 

J'envoyais Alain Thibaud traîner dans les couloirs à la recherche d'un projet intéressant pour les équipes de Michel Hollinger ou de Mohamed El Ouardi .

Au bout de quelques jours, ce n'est pas Alain Thibaud le commercial, mais Michel Hollinger, le technique qui revint avec un projet très important.

Une affaire que l'on estimait à plusieurs millions d'euros.

Le développement des moyens de validations de tous les équipements avioniques de l'Airbus A380.

Jamais on n'avait répondu à un appel d'offres de cette importance.

 

J'explique brièvement le besoin.

 

Lors de l'étude d'un nouvel avion, les ingénieurs d'AIRBUS, commencent par développer un simulateur au sol que l'on appelle l'iron bird.

Ce simulateur permet de tester toutes les manœuvres de l'avion au sol et de spécifier les équipements sous-traités avant de démarrer la construction et de faire les premiers essais en vol.

Pour la partie avionique il faut intégrer tous les équipements de l'avion à l'aide d'une série de bancs électroniques , les bancs BIS qui s'interfacent avec les équipements réels développés par les grands sous-traitants d'AIRBUS, Français et étrangers.

 

Pour l' A380, le nouveau projet consistait à développer tous les logiciels permettant de piloter tous ces équipements et à réaliser toutes les interfaces entre ces équipements et les calculateurs d'essais au sol.

Ces interfaces devaient être constituées de logiciels et de cartes électroniques.

Michel Hollinger me proposa dans un premier temps de faire réaliser par ses équipes la partie informatique du projet et d'approvisionner les cartes électroniques par la grande société électronique américaine de l'époque, la société Hewlett-Packard .

Il l'avait choisi parce que c'était justement le commercial de cette société qui nous avait proposé de participer avec eux à ce projet.

En effet, au départ AIRBUS nous avait exclu de la liste des compétiteurs car ils estimaient que ISIS était de taille trop faible et que nos ingénieurs n'étaient pas assez compétents pour faire partie de leurs sous-traitants sur ce projet.

 

J'étais emballé par cette organisation et je donnais mon accord.

Nos équipes se mirent à étudier sa faisabilité .

 

Mais j'avais peu d'espoir de gagner cette affaire.

La plus grosse partie de ce projet devait être développée par nos équipes .

Je savais que nous étions, grâce à notre expérience dans les domaines spatial et ferroviaire ,

sûrs de présenter la meilleure proposition technique mais que jamais nous ne pourrions gagner face à nos concurrents . Les concurrents, je les connaissait bien . Il s'agissait du département Test de Matra, à ce moment EADS astrium et du département test d'AIRBUS à ce moment EADS Test & Services.

Il se trouve que j'avais moi même était ingénieur d'études dans ces deux services et que je connaissais parfaitement leurs compétences et leur personnel qui était pour la plus part mes amis ou des amis de mes cadres.

 

Je proposais à mes anciens collègues de Test & Services de répondre avec eux .

Ils refusèrent, sûr d'être les futurs gagnants de cet appel d'offre . Pour eux, il était impossible qu'AIRBUS confit un projet aussi stratégique à une société extérieure à leur groupe.

 

Je proposais à mes anciens collègues de Matra, Jean Jacque Montiel et Andrée Benichou de répondre avec eux. Ils m'expliquèrent qu'ils estimaient avoir plus de chance de gagner l'appel d'offres en répondant avec Test & Services.

 

Finalement, on répondit comme le voulait Michel Hollinger avec Hewlett-Packard.

Mais Test & Services refusa de répondre avec Matra et il y eut donc trois compétiteurs.

 

Et chose extraordinaire, notre proposition fut dans un premier examen la mieux notée .

Les responsables techniques appréciaient les solutions proposées par Michel Hollinger et les acheteurs étaient ravis car notre proposition était la moins chère.

En effet, j'avais proposé pour baisser le coût du développement du logiciel que nous cédions le noyau informatique déjà développé pour les bancs spatiaux et ferroviaires pour un euro.

 

Après de nombreuses modifications demandées par les clients,notre solution était sur le point d'être choisie et envoyée aux grands patrons d'AIRBUS pour une décision finale.

 

Mes anciens collègues de MATRA ne s'en sont jamais remis . Aujourd'hui encore ils m'en parlent lorsque nous nous retrouvons lors d'un pot de départ en retraite ou d'une ballade en montagne.

 

Par contre l'équipe de Test & Services nous attaqua politiquement et ils faillirent gagner.

L'affaire monta jusqu'au plus haut niveau hiérarchique .

J'ai été contacté par Jean Louis Dupouy qui était alors le directeur général des Achats AIRBUS .

Il m'apporta finalement son soutien après un repas dans le restaurant VIP d'AIRBUS .

Je me souviens particulièrement de ce repas.

On n'a parlé ni technique ni argent mais seulement engagement moral entre deux responsables , un peu comme on le voit dans les films sur la mafia.

On m'a seulement demandé de me porter garant personnellement de la réussite du projet , et de rester en contact au cas où il y aurait un problème.

Et on a gagné , à la surprise générale .

 

Le gain de cette affaire eut un retentissement énorme dans tout Toulouse .

On a gagné grâce à Michel Hollinger et à ses équipes , à notre nouveau commercial Alain Thibaud qui nous a amené ses qualités exceptionnelles de négociateur mais aussi grâce à la confiance et à l’opiniâtreté de Jean Louis Dupouy qui nous a défendu contre tout le staff français et allemand d'AIRBUS .

Jean Louis m'a raconté, quelques années plus tard, alors que nous étions tout deux à la retraite, que cette affaire lui avait valu quelque désagréments, notamment, une enquête pour corruption de la part des services financiers mais il n'a jamais rien reçu de notre part .

 

Il est vrai que voir une petite société comme ISIS MPP gagner un projet aussi stratégique contre des départements de MATRA et d'AIRBUS est assez exceptionnel.

 

Eh effet ce banc était essentiel pour valider le prototype de l'A380 et le moindre retard pouvait avoir des conséquences énormes sur la rentabilité du groupe.

 

Nous nous sommes mis au travail.

 

Dès le début du projet, Michel Hollinger me mis devant un problème assez délicat.

Ses services techniques s'aperçurent que les cartes fournies par la société américaine Hewlett-Packard n'étaient pas assez rapides pour permettre au banc de tenir les spécifications demandées par le client.

Il me proposa de se séparer du fournisseur qui nous avait permis de gagner ce projet et de réaliser les cartes par nos propres équipes.

Il a fallu que je mette tout mon savoir faire, toute ma persuasion et toute mon hypocrisie pour

convaincre les équipes d'AIRBUS qu'il n'y avait pas d'autres possibilités pour remplacer les cartes du plus grands fabriquant de cartes électroniques américains que de les développer nous même.

Et surtout convaincre le responsable de Hewlett Packard qu'il fallait supprimer sa société de la liste des fournisseurs d'AIRBUS.

Michel m'en a fait quelques unes comme celle là mais cette fois c'était le pompon.

 

Nous nous mimes au travail mais , manifestement, ce projet nous dépassait un peu.

Les jeunes spécifieurs d'AIRBUS changeaient souvent d'avis et le projet commença à prendre du retard .

Retard cela veut dire mécontentement du client responsable du développement des bancs BIS qui ne veut pas que ses retards impactent le développement de l'A380 .

Mais aussi pertes financières pour notre société.

Il fallait réagir.

En fait nos problèmes provenaient essentiellement du fait que nos ingénieurs étaient trop jeunes , très techniques, passionnés par leur métier et soucieux de proposer toujours la meilleure solution aux problèmes posés par les clients.

D'où des modifications incessantes qui ralentissaient le projet et augmentaient considérablement les coûts.

J'avais appris chez Matra que pour résoudre ce genre de problèmes il ne faut pas mettre à la tête des équipes un responsables techniques mais un ingénieur chef de projet capable de négocier avec le client chaque modification avec la mauvaise foi pour principale qualité.

J'embauchais un ingénieur confirmé que j'avais connu chez Matra, Michel Dochy . Il fut très performant sur ce poste et nous permis de nous tirer honorablement de ce piège .

Avec toute fois des pertes financières qui se remarquèrent cette année là par une baisse importante de notre résultat.

 

En conclusion, le développement des bancs Bis du projet A380 a permis à notre société d'acquérir une forte notoriété dans le domaine des bancs de test et de simulation.

Grâce à lui nous avons gagné plus tard le développement des bancs pour les autres programmes avions d'AIRBUS, l'A400M, l'A350 , les bancs de test du cablage , ce

qui a assuré une charge conséquente pour de nombreuses années aux équipes toulousaines de Michel Hollinger et de Mohamed El Ouardi.

 

La société était rentable ce qui a donné l'idée à nos actionnaires d'AREVA de nous vendre.

 

 

 

 

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