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Souvenirs henri
5 février 2013

Le château de Peyrolade

                                       

                                          Daux 3 - 1962

 

En 1962, mes parents décidèrent de vendre le bureau de tabac du pont de Blagnac.

Mon père ne voulait plus tenir un commerce de détail et ma mère était trop fatiguée. Il faut dire que le magasin était ouvert tous les jours, samedi et dimanche compris de 6h30 du matin à 8h30 le soir.

On fermait le magasin uniquement le lundi après midi pour s'approvisionner chez les grossistes.

Mes parents prenaient rarement des vacances, au plus une semaine par an.

Lorsqu'ils décidèrent de vendre le commerce, mon père avait 48 ans et ma mère 47.

Mon père avait commencé à travailler à 14 ans.

Ils conservaient la maison du Pont de Blagnac avec les loyers du tabac, du café et du petit appartement et ils vendaient un bon prix le fond de commerce du tabac.

Avec cet argent, comme ils ne voulaient plus un commerce, ils ont pensé un moment acheté une entreprise.

Ils ont un temps été intéressé par une porcherie, puis une biscuiterie et même une briqueterie située à Pechbonieu.

A l'époque ces usines n'étaient pas très rentables mais mon père pensait que, avec le début de construction de villas au tour de Toulouse, ce type d'usines, qui ne se vendaient pas très cher, seraient un jour très profitables.

Il n'avait pas tord quand on voit ce qu'est devenue aujourd'hui la briqueterie Gélis à Pibrac.

Mais mon père a eu une autre idée, faire de la spéculation immobilière.

Sur les conseils de son notaire, Maître Dagot, il a acheté un ensemble immobilier à Daux, autour du château de Peyrolade.

 

                                       Daux 1 - 1962

 

L'ensemble comprenait le château avec un parc de 1 hectare et demi situé au milieu du village de Daux, une ferme attenante et un terrain de 6 hectares.

Le premier propriétaire de ce château était un général vénézuelien qui était venu une première fois en France, chassé par un coup d'état dans son pays. Il avait acheté le château, l'avait meublé puis après un autre coup d'état, il était reparti dans son pays laissant le château à l'abandon.

La vente était très difficile car les héritiers de ce général étaient très nombreux et dispersés à travers le monde et en conséquence le prix était intéressant, mais il correspondait à la plus grosse partie de la vente du tabac.

Je me souviens que les amis de mes parents me disaient : « ton père est devenu fou...acheter un château en ruine...Il va perdre tout ce qu'il a mit des années à gagner. »

Il faut dire que le château n'était pas habitable. Il n'y avait pas de carreaux aux fenêtres et pas de chauffage. Par contre il était meublé mais de l'argenterie, il ne restait que les coffrets vides.

Comme il avait été inoccupé pendant 30 ans environ et qu'il avait servi de salle des fêtes à tous les habitants de Daux, je suppose que parfois, après un mariage ou une communion, certaines personnes étaient parties avec une cuillère ou un couteau. Il ne restait que les très gros meubles.

Lorsque je pense au château, il me revient tout de suite à l'esprit le week-end où j'ai organisé ma plus grosse surboum.

J'avais 20 ans, mes parents venaient juste d'en faire l'acquisition. Il était encore inhabitable mais pour le week-end de Pâques mes parents me donnèrent l'autorisation de l'utiliser pour une soirée où l'on pourrait danser en utilisant mon petit tourne disques Teppaz.

J'étais étudiant et je rêvais , depuis le lycée, de faire une énorme surboum comme je l'avais vu au cinéma dans le film de Marcel Carné, « les tricheurs ».

J'ai averti tous mes amis et je leur ai dit qu'ils pouvaient inviter qui ils voulaient.

Pendant quelques jours le bruit a circulé dans Toulouse que quelqu'un organisait une soirée dans un grand château à Daux et que tout le monde était invité.

On était en 1963, il n'y avait pas encore Internet mais le bouche à oreille a très bien fonctionné .

La soirée fut incroyable. Il arrivait des gens de partout. Je n'en connaissais pas la moitié.

Tout le monde apportait de quoi manger et boire. Cela ne m'a rien coûté.

Il y avait des musiciens et même un groupe d'étudiants des beaux arts avec un de leur modèle qui nous a fait un strip-tease.

Christian, mon frère est passé en soirée pour surveiller discrètement. Il a été accueilli par plusieurs personnes qui lui ont dit : «  profites en , on ne connaît pas le propriétaire mais ici tu peux manger et boire ce que tu veux, tout est gratuit » .

Coté filles, la soirée c'est aussi bien passée. Ce n'est pas tous les jours qu'elles étaient reçues par un châtelain.

Après cette soirée mémorable, retour aux dures réalités. Il a fallu rendre le château habitable.

C'était un château très ancien flanqué de deux tours, l'une ronde, l'autre carrée.

La première construction datait probablement du XII ème siècle mais il avait plutôt l'apparence d'un château du XVIII ème avec de grandes portes fenêtres, un large escalier donnant sur le parc et un labyrinthe de buis de plus de deux mètres de hauteur.

Le dernier étage qui dans le passé servait d'appartements pour le personnel était complètement à l'abandon et était occupé par des centaines de pigeons et un énorme chat huant.

A l'entresol il y avait les anciennes cuisines , de nombreuses caves et le départ d'un sous terrain qui nous a fait beaucoup fantasmé car il était bouché.

Y avait-il un trésor ?

 

                                           Daux 2 - 1962

 

Et il a fallu commencer les travaux d'emménagement.

Mes parents n'avaient plus beaucoup d'argent. On a réalisé la plus part des travaux nous même.

Quand je dis nous même, je veux dire essentiellement, mon père, ma mère et moi.

Christian et Janine vivaient à Lavaur et Louisette était très jeune puisque c'est à cette époque qu'elle a fait sa communion.

 

                                        1962-2

 

On a tout de même était aidé par Alfred D'allaqua à qui mon père avait vendu la ferme du château.

C'était une personne très sympathique qui est devenu son grand copain .

Il lui servait d'homme à tout faire et le conseillait surtout pour les travaux de jardinage car il était maraîcher.

Il faut dire que durant les trois ans où nous avons habité le château, la famille s'est essentiellement nourrie avec les légumes du jardin , les œufs, les poules, les lapins mais aussi les gibiers et les champignons

Alfred était d'un caractère très joyeux , toujours prêt à plaisanter avec mon père.

C'était lui qui faisait le fantôme chaque fois qu'un enfant venait dîner au château.

Je m'explique :

Le château était assez impressionnant, surtout pour les enfants qui y venaient pour la première fois , avec ses longs couloirs sombres, ses grandes cheminées, ses caves , ses tours et son sous terrain.

Et bien sûr à table on parlait devant les enfants du fameux fantôme du château de Peyrolade.

Alors on demandait chaque fois à Alfred de faire le fantôme.

Il devait traverser la salle à manger avec un drap sur le corps en traînant une grosse chaîne.

Les grandes personnes faisaient semblant de ne rien voir et quand les enfants posaient des questions, on répondait simplement : «  ne vous inquiétez pas ce n'est que le fantôme, il est très gentil »

Succès assuré au près de tous enfants. Ils sont aujourd'hui grands mais ils s'en souviennent tous.

Mais revenons au travaux.

Il a fallu tout d'abord remettre des carreaux aux fenêtres. Il fallait mastiquer et repeindre . Je ne sais plus combien il y avait de fenêtres.

En suite on a détapissé toutes les pièces, il y avait parfois jusqu'à sept tapisseries les unes sur les autres , parfois même au plafond.

En décollant les tapisseries ont faisait tomber le plâtre. Il a fallu replâtrer et repeindre.

Le carrelage était constitué de plaques en terre cuite rouge qu'il fallait repeindre.

Pour donner une idée du volume des travaux à réaliser , je me souviens que pour repeindre uniquement les carreaux du couloir de l'entrée , il a fallu une semaine entière à deux, ma mère et moi. A la fin de la journée on avait les jambes en compote.

Pour conclure sur les travaux de rénovation du château, j'ai passé beaucoup de temps et une grande partie de mes vacances à peindre, tapisser, plâtrer, poser des vitres, mastiquer .

Et puis il y avait aussi le travail d'entretien comme par exemple la tonte des allées du parc.

Heureusement, mon père avait acheté un petit tracteur, c'était un des premiers à l'époque qui nous permettait de tirer la tondeuse de façon ludique.

 

                                     1962-07-dans le parc du chateau à daux

 

Il a fallu ensuite chauffer le château.

On a installé des poêles à mazout dans quelques chambres , essentiellement dans les chambres d'hiver et dans la grande salle à manger.

Pour alimenter les poêles, il fallait régulièrement descendre au sous sol avec des brocs .

C'était fatiguant car les caves étaient très éloignées de la partie que nous habitions et l'odeur du mazout était désagréable.

Comme le mazout était cher et que nous avions de très grandes cheminées et beaucoup de bois dans le parc, nous nous chauffions essentiellement au feu de bois.

C'était très romantique mais assez pénible car comme les pièces étaient grandes, il fallait faire des feux énormes qui avait deux inconvénients.

Lorsque l'on était près du feu on se brûlait mais dès que l'on s'en éloignait , les cheminées faisaient un tel appel d'air que l'on se gelait. Et je ne parle pas des longs couloirs glacés que l'on devait traverser pour rejoindre nos chambres.

En fait je n'ai pas beaucoup souffert de tous ces petits désagréments car comme j'étais étudiant à la faculté des sciences , je louais une chambre dans Toulouse. Je ne revenais au château que pour les week-ends. Ce sont surtout mes parents et Louisette qui connurent ces problèmes.

Je me souviens que , l'hiver, lorsque le vendredi soir j'arrivais au château, je trouvais mes parents enveloppés dans des couvertures près de la cheminée et chaque fois je ne pouvais pas m’empêcher de les comparer au pauvre baron de Cigognac au début du roman le capitaine Fracasse.

 

Heureusement, il n'y avait pas que l'hiver.

J'ai aussi de très beaux souvenirs au château.

On y a fait des fêtes splendides. Toutes les fêtes de familles car mes parents adoraient recevoir et notamment la communion de Louisette.

 

                                         1962 -1

 

Finalement, au bout de trois ans, mes parents vendirent le château à un grand médecin de Toulouse.

Je crois que sa famille l'occupe encore aujourd'hui. Ils ont aussi racheté à la famille d'Alfred les dépendances pour en faire une maison d'hottes.

Mes parents ont aussi vendu le terrain de six hectares à un promoteur qui en a fait un très beau lotissement.

Après cette vente , réalisée avec une excellente plus value, mes parents se retirèrent sur la cote d'azur où ils passèrent une retraite longue ( 28 ans pour mon père et 46 ans pour ma mère.) et très heureuse .

 

 

 

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Commentaires
P
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> Nous habitons le Château de Peyrolade et votre récit nous a ému.<br /> <br /> En fait, ce sont les grands parents de mon épouse qui ont racheté le Château de Peyrolade à vos parents. Comme vous l'indiqué il était professeur en gynécologie. <br /> <br /> Pour notre part nous avons restauré la ferme D'allaqua que les grand parents ont racheté à Georges (le fils d'Alfred). Nous y avons fait des chambres d'hôtes et des Gîtes, nous y faisons également des réceptions et des petits séminaires. <br /> <br /> Nous prévoyons maintenant de rénover le château afin d'en faire un Hôtel Restaurant.<br /> <br /> <br /> <br /> Le père de mon épouse n'a jamais trouvé le passage du sous terrain, nous non plus... Cette légende perdure....<br /> <br /> <br /> <br /> Si un jour vous souhaitiez revoir la maison, nous vous accueillerons avec bienveillance.
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