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Souvenirs henri
26 janvier 2015

les premiers jours

Juillet 1991

Je venais d'être nommé Directeur Général d’Isis et je pensais que j'allais enfin pour la première fois de ma carrière professionnelle prendre des décisions importantes et stratégiques pour le développement de la société, sans en référer à une quelconque autorité , si ce n'est au Président qui m'avait fait comprendre qu'il me laissait les pleins pouvoirs et qu'il attendait beaucoup de mes initiatives.

Or, je m'aperçus rapidement que mes pouvoirs étaient très limités, non pas par le Président qui fut assez peu intervenant mais par mes clients Airbus et Ceis.

Mon rôle consistait avant tout à être informé par mes cadres des décisions que chacun d'eux prenait en concertation avec les chefs de projets des clients qui étaient de fait les seuls vrais décideurs.

 

Je n'étais pas surpris en ce qui concernait les activités Atec car dès la création d'Isis les ingénieurs d'Airbus avaient toujours considéré Isis comme un département de leur propre société.

Ils pensaient qu'un jour, leur hiérarchie reviendrait sur la décision d'externaliser les activités de développement de programmes de test des équipements avioniques et qu'elle incorporerait les techniciens d'Isis dans leurs propres équipes.

Les techniciens d'Isis , comme la plupart des employés de sociétés de sous-traitance, étaient eux mêmes persuadés qu'ils intégreraient rapidement les effectifs d'Airbus.

Ce qui fait que tout ce petit monde était d'accord, à l'exception de quelques cadres d'Isis, pour considérer que le vrai patron c'était Airbus et que mon rôle était pour l'instant purement administratif.

Par contre j'ai été très surpris de constater que les autres services d’Isis, c'est à dire l'informatique, les études électroniques et la CAO ( conception assistée par ordinateur) étaient eux aussi entièrement sous le contrôle technique et commercial de clients plus stratégiques pour notre groupe, la société CEIS et la société CEIS Espace.

En effet , le service électronique de Patrick Dupleix développait le banc de test d'un équipement que CEIS espace devait livrer à ALCATEL espace.

Le service informatique de Sylviane Pibrac développait la partie logicielle d' un équipement que CEIS devait livrer à THOMSON.

Le service CAO de Michel Poccard dessinait les circuits imprimés de toutes les cartes électroniques produites par CEIS et CEIS espace.

 

Pour toutes ces affaires CEIS et CEIS espace décidaient du montant alloué à ISIS (heures et francs) comme le faisait AIRBUS pour les activités Atec.

Mais, alors que les acheteurs d’Airbus acceptaient de répercuter à ISIS les coûts réels de développement plus une marge négociée, les cadres de CEIS , pour s'imposer sur leurs marchés , minimisaient systématiquement le coût des taches sous-traitées à ISIS.

Ils n'acceptaient pas de revoir les devis initiaux lorsque l'on constatait des dépassements importants.

De ce fait, ces trois départements d' ISIS étaient toujours déficitaires ce qui n'avait jusqu'à présent pas posé de problèmes car le département test Atec restait lui largement profitable, grâce à AIRBUS.

Par contre les salariés d’Isis n'appréciaient guère ces méthodes commerciales car, comme la société réalisait ainsi de moins en moins de profit, les carrières et les rémunérations étaient nettement réduites.

Ils estimaient que leur travail n'était pas suffisamment reconnu, d'où les démissions importantes.

Et bien sûr, le client AIRBUS, lui aussi au courant de ces méthodes commençait à imaginer de se séparer d’Isis au profit de ces deux autres sous-traitants SEO et LATECOERE.

Je n'avais pas beaucoup de marge de manœuvre car même la trésorerie de la société était gérée au niveau de la holding .

 

Heureusement il me restait la possibilité de développer une nouvelle activité .

En quittant Matra espace j'avais constaté que les demandes de personnel pour valider et intégrer les équipements électroniques des satellites étaient en croissance mais comme le marché des satellites devenait très concurrentiel, il fallait baisser les coûts d'interventions en salles blanches.

 

J'ai imaginé de proposer de remplacer les sous-traitants traditionnels de Matra qui étaient généralement des ingénieurs par les techniciens d’Isis qui étaient eux aussi, de par leur formation sur les testeurs Atec , des spécialistes de validation d'équipements électroniques donc des spécialistes d'intégration.

Je pouvais donc m'implanter sur ce marché avec des coûts inférieurs à la concurrence qui utilisait uniquement des ingénieurs avec de forts salaires.

Mais j'avais tout de même deux problèmes .

Le premier était de convaincre Matra qu'un technicien serait aussi efficace qu'un ingénieur.

Ce ne fut pas très difficile car j'avais déjà employé cette stratégie avec mon équipe de maintenance lorsque j'étais chez Matra et j'avais conservé un bon relationnel avec mes anciens collègues.

 

Le second était de convaincre les techniciens Atec à ,d'une part quitter l'aéronautique pour le spatial mais surtout à exécuter des taches d'assistances techniques alors qu'ils n'imaginaient leur progression de carrière qu'en étant embauchés par AIRBUS.

Au début, ce ne fut pas très facile car je voulais y envoyer les meilleurs mais la crise du groupe m'a finalement beaucoup aidé.

Ma priorité consistait à remotiver le personnel et à réduire les départs vers les sociétés concurrentes et surtout à terminer le développement des programmes de test en cours pour Airbus.

Je me suis aperçu assez rapidement que les représentants du client et mes propres équipes attendaient surtout de ma part que je modifie le plus rapidement possible l'organigramme technique de la société.

Les deux dernières années avaient été très éprouvantes pour le personnel et pour les cadres.

Philippe Lambert, le principal responsable technique me demanda, dès nos premiers entretiens, de modifier sa mission car il ne supportait plus les négociations interminables entre les clients et son personnel.

Il préférait se focaliser sur la résolution de problèmes techniques .

Je l'ai donc remplacé à la tête du service Atec par Mohamed el Ouardi , le responsable du service qualité qui avait toute la confiance du personnel mais aussi des clients.

Philippe Lambert ne resta pas sans travail car à côté de ses activités d'agent de sécurité et de responsable de la logistique , je lui ai aussi confié une mission supplémentaire, où il a été très efficace, celle de m'aider à la mise en place de deux nouveaux services.

Tout d'abord un service de communication car je voulais dès mon arrivée activer la recherche de nouveaux clients puis un service d’infogérance car je me suis aperçu que nos moyens informatiques étaient quasi inexistants .

Je dois reconnaître que Philippe a toujours été pour moi un assistant très efficace.

J'en parle ainsi car, dans toute ma carrière professionnelle, c'est le seul de mes collaborateurs à qui j'ai supprimé des fonctions mais qui m'est resté malgré tout , toujours fidèle.

 

Je n'ai par contre jamais modifié l'organisation des services qui étaient sous la responsabilité de Micheline Fontaine.

C'était une organisation qui m’apparut originale au départ mais en suite je l'ai trouvée très efficace et je ne l'ai jamais modifiée.

Micheline avait au départ un diplôme de secrétariat de direction, comme Marie-Claire et , après quelques années dans le BTP, elle avait été embauchée par Didier Bernadet comme contrôleur de gestion chez Isis.

Elle avait mis en place un service de contrôle des affaires très efficaces qui m'ont permis plus tard d'avoir en permanence une bonne photographie du déroulement de nos projets .

De plus , la base de données constituée par toutes les affaires terminées et notamment la comparaison entre les devis initiaux et les coûts réels finaux nous ont été d'une grande aide pour l'évaluation des prix des nouvelles affaires car dans nos métiers le plus grand risque concerne les dépassements des budgets d'études.

J'en ai pris conscience, en particulier lorsqu'après des opérations de rachat de sociétés, j'ai pu comparé nos méthodes de suivis d'affaires à celles de nos concurrents.

Micheline avait mis en place une autre type d'organisation originale .

Toutes les secrétaires techniques et commerciales de la société travaillaient sous sa responsabilité directe.

Mes cadres, en particulier, ceux qui avaient eu une expérience professionnelle dans une autre société étaient assez retissants au début mais pour moi cela m'a permis d'avoir un réseau d'informations d'une grande efficacité.

On m'a souvent fait la réflexion que le service de Micheline ressemblait au KGB soviétique.

Entre les informations que je recevais du réseau des secrétaires de micheline et celles du service qualité je pouvais prendre les bonnes décisions , tout en laissant beaucoup d'autonomie à mes cadres, en particulier à ceux qui étaient éloignés géographiquement.

 

Le service achat était aussi sous sa responsabilité . Là aussi je m’aperçus rapidement de l'efficacité de cette organisation.

Ce service éminemment stratégique pour nos activités était dirigée par Maïté Zambelli qui était aussi ma secrétaire personnelle.

J'ai connu un grand nombre d'acheteurs industriels au cours de ma carrière professionnelle mais je n'en ai jamais rencontré d'aussi efficace que Maïté.

La difficulté de ce métier consiste à approvisionner les composants demandés par les équipes techniques dans un délai très court pour ne pas bloquer les projets alors que le faible nombre de ces composants n'incite pas les fournisseurs à s'occuper prioritairement de nous.

Tout repose sur les relations amicales entre l'acheteur et les fournisseurs et il faut dire que Maïté a toujours été très efficace dans ce domaine.

J'ai toujours pensé que j'avais eu beaucoup de chance en entrant chez Isis d'être épaulé par Micheline et Maïté.

 

Globalement j'étais satisfait de mon personnel et de tous mes cadres .

 

C'est à ce moment là , seulement 3 mois après mon arrivée, que Didier Bernadet m'informa qu'il avait vendu ISIS au groupe TECHNICATOME , une filiale du CEA , le Commissariat à l’Énergie Atomique.

Mon nouvel actionnaire développait des réacteurs nucléaires pour les sous marins de la Défense nationale.

J'avais quitté le groupe MATRA pour une petite PME et je me retrouvais dans un groupe industriel beaucoup plus important que mon ancienne société.

Je n'ai jamais réellement compris les dessous de cette vente car ISIS n'avait jamais travaillé dans le domaine nucléaire.

En fait la seule société de notre petit groupe qui était stratégique pour TECHNICATOME , était CEIS qui développait les systèmes de contrôle commande de ces réacteurs nucléaires.

Peut-être que, comme CEIS avait des problèmes financiers et que TECHNICATOME ne voulait pas en informer le CEA , ses dirigeants ont préféré la refinancer indirectement en rachetant une de ses filiales.

 

Et donc, au bout de 3 mois, TECHNICATOME devenait propriétaire d’Isis, avec 51% des actions.

L'ancien groupe CEIS détenait lui 15%.

Et comme les dirigeants de TECHNICATOME pensaient qu’Isis était une société de sous-traitance informatique, ils avaient proposé à la filiale informatique du CEA , la société CISI de rentrer au capital pour 34%.

Le résultat de tout ceci est que, au lieu de rendre des comptes à une seule personne, mon PDG, j'ai dû travaillé avec un conseil d'administration.

 

Au début tout était parfait car finalement je devenais le vrai patron de la société.

ISIS était profitable avec un chiffre d'affaires d'environ de 25 MF ( soit 3,8M€)

Il y eut tout de même un moment d'inquiétude chez mes actionnaires quand je leur ai présenté pour la première fois mon budget avec un plan de charge sûr de 3 mois.

Il faut dire que le plan de charge d'une société qui développe des sous-marins nucléaire est généralement de 15 ans.

J'ai été obligé de leur expliquer que dans mon métier, comme nos projets durent en moyenne quelques mois, les clients ne passent pas les commandes plusieurs années à l'avance.

Je me souviens de leur avoir dit que si on avait demandé à mon père qui était boulanger combien de baguettes il vendrait dans six mois il aurait eu la même réaction que moi.

Cela les a fait bien rire et ils m'ont laissé les commandes de l'entreprise.

Tout était parfait.

Je pouvais m'atteler à développer la société selon la stratégie que j'avais imaginée.

 

Dans un premier temps je me suis intéressé à améliorer la rentabilité de l'entreprise.

 

Cela devenait beaucoup plus facile pour moi car il n'était plus question pour mes nouveaux actionnaires d'accepter le dictât des dirigeants de CEIS.

Micheline Fontaine a pu reprendre en direct les finances et la gestion de la trésorerie de l'entreprise avec le support du directeur financier de Technicatome.

On a pu en particulier contrôler directement nos dépenses et supprimer les factures indues que nous imposait l'ancienne direction.

 

Puis j'ai réexaminé une à une les activités de la société et notamment les projets gérés par CEIS afin de renégocier les contrats chaque fois que cela était possible.

J'ai commencé par l'activité CAO de Michel Poccard qui était très déficitaire.

Elle était organisée de la manière suivante.

Isis, avait approvisionné 3 systèmes de conception assistée par ordinateur qui étaient utilisés par 4 techniciens pour dessiner les circuits imprimés des cartes électroniques développées par Ceis, Ceis espace et Isis.

La totalité de nos commandes ne correspondait qu'à la charge d'un demi technicien.

J'ai donc décidé de me séparer de ce service.

J'ai obligé, non sans mal Ceis et Ceis espace à reprendre chacun un système et à embaucher un technicien.

Pour nos propres besoins, comme je n'avais pas assez de charge, j'ai opéré comme je le faisais chez Matra : j'ai sous-traité le dessin des cartes à une société extérieure , la société Brime .

Je lui ai cédé gracieusement le troisième système et en échange , elle a embauché mes deux derniers techniciens.

J'ai ainsi liquidé le service déficitaire sans dépenser un franc et sans licenciement.

 

Pour les activités d'études électroniques de Patrick Dupleix et informatique de Sylviane Pibrac le problème était plus délicat.

C'étaient les deux services que je voulais développer, à l'image de ce que j'avais réalisé chez Matra, mais il y avait du travail.

Le service électronique était constitué de 3 techniciens qui n'avaient aucune compétence en conception et agissaient sous la responsabilité des ingénieurs de Ceis espace.

L'activité informatique, bien que très légère en effectif, 4 personnes, était par contre d'un bon niveau en compétence mais avec une faible expérience .

Ce service ne travaillait que pour Ceis et comme pour l'activité Test pour Airbus, j'ai eu rapidement l'impression que toute l'équipe n'avait qu'une envie, être embauché par leur client.

Avec ces deux équipes, il était pratiquement impossible de répondre à des appels d'offres de bon niveau et donc de développer cette activité.

J'ai imaginé débaucher de Matra, Michel Hollinger mon ancien responsable technique .

Je savais qu'il avait envie de me rejoindre mais il me fallait trouver le financement .

C'est à ce moment que je reçu une note interne de Denis Rouillard, le responsable commercial des activités Airbus .

Il voulait tout de suite une augmentation sinon il donnait sa démission.

Je l'ai fait venir dans mon bureau et là s'est déroulée une scène assez humoristique.

Je pense que j'ai été vraiment faux cul.

Cela m'a rappelé la course du rat de Lauzier, une bande dessinée dans la quelle un jeune cadre dynamique se présentait dans le bureau d'un directeur pour demander une augmentation.

Le directeur lui expliquait par un long discours ,qu'il comprenait ses motivations, qu'il avait raison de quitter cette société où son talent ne pouvait s'épanouir et qu'il était impératif de donner sa démission.

Le jeune cadre était raccompagné dans le couloir, sans avoir pu placer un mot.

Je procédais de même .

Denis donna sa démission et j'ai pu sur le champ embaucher Michel Hollinger.

 

Tout devenait plus facile pour moi.

 

Le cash de la société n'était plus aspiré par la holding mais géré directement par Micheline Fontaine.

Mes anciens collègues et futurs clients d'Airbus me promettaient une charge importante pendant plusieurs années grâce au futur développement de l'avion Rafale de Dassault.

Je pourrai donc, comme je l'avais présenté à mes nouveaux actionnaires, utiliser les moyens financiers obtenus grâce aux marges importantes dégagées par les affaires Airbus pour rechercher et développer de nouvelles activités avec le support de Michel Hollinger.

 

 

Mais la vie nous réserve parfois des surprises.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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